Alors que la CJUE rappelait il y a encore quelques mois que les saveurs étaient exclues du droit d’auteur1, une proposition de loi relative à la protection des recettes et créations culinaires a été enregistrée à la présidence de l’Assemblée nationale le 30 avril dernier.
La proposition de loi prétend combler un vide juridique afin de « répondre aux besoins des métiers de la bouche ».
Le titre premier inscrit dans le Code du patrimoine la création d’une nouvelle institution, la « Fondation pour la gastronomie française », qui a pour mission de répertorier les recettes traditionnelles, de les protéger et d’identifier les restaurateurs qui respectent les recettes ancestrales.
À l’instar de l’Institut national de la propriété industrielle, un établissement public serait créé afin d’assurer la délivrance, le maintien ou le rejet des certificats de création culinaire.
La création culinaire pourra faire l’objet d’un titre de propriété intellectuelle d’une durée de 20 ans accordant à son titulaire un droit exclusif d’exploitation mais également un droit moral très proche de celui conféré par le droit d’auteur.
La proposition de loi dispose que « sont certifiables les créations culinaires nouvelles impliquant une activité créatrice et démontrant un caractère gustatif propre » (Nouvel art. L.145-9 du Code du patrimoine).
Mais comment évaluer le caractère gustatif propre alors que les saveurs ne sont pas perceptibles de la même manière par les individus ? De plus, il apparaît bien difficile de réaliser une recherche d’antériorités en matière de saveurs.
Enfin, comme en matière de marques, et bientôt de brevets, il sera possible de s’opposer à l’enregistrement d’un certificat de création culinaire. Pour autant, la proposition de loi n’apporte aucune précision sur les droits susceptibles d’être invoqués par l’opposant.
En conclusion, si une telle initiative peut-être saluée, elle apparaît juridiquement insuffisante pour plusieurs raisons : d’une part, car il aurait pu être plus simple d’appréhender les recettes et créations culinaires par le droit d’auteur plutôt que de créer un régime spécifique, quoique cela soit déjà discutable et, d’autre part, car instaurer un droit de propriété intellectuelle qui a vocation à intégrer le Code du patrimoine tend à vider celui-ci de sa substance.
1 CJUE, 13 novembre 2018, Levola Hengelo, affaire C‑310/17