En 2020, Epic Games avait permis aux joueurs ayant téléchargé le jeu Fortnite sur la boutique d’Apple d’acheter des objets directement en dehors de l’App Store. Considérant que cette pratique violait les conditions de l’App Store, Apple avait banni le jeu Fortnite de son magasin d’application. Plusieurs plaintes avaient alors été déposées, tant par Apple que par Epic Games.
En 2023, la plainte d’Epic Games, dénonçant un abus de position dominante d’Apple, a été rejetée, d’abord par le Tribunal puis par la Cour d’appel (9th Circuit Court). Epic Games a en outre été condamnée à verser à Apple une somme de 3,5M d’euros, correspondant à 30% des sommes perçues hors de l’App Store, au titre de la violation des conditions de l’App Store. En revanche, il a été jugé qu’Apple avait violé les lois californiennes en interdisant aux développeurs d’intégrer des liens redirigeant les utilisateurs vers d’autres systèmes de paiement (i.e. hors App Store). En conséquence, Apple a reçu l’injonction de permettre aux développeurs de fournir des liens et des boutons permettant aux consommateurs d’utiliser d’autres moyens de paiement que l’App Store, pour acquérir du contenu digital utilisé dans leurs applications.
Le 16 janvier 2024, la Cour suprême des Etats Unis a annoncé qu’elle n’examinerait pas la demande de révision de ce différend, laissant entières les décisions rendues par ces juridictions.
Il est intéressant de noter que des questions similaires ont été soulevées dans d’autres pays, notamment en Europe.
Le 30 avril 2021, la Commission Européenne a notifié des griefs Apple concernant les règles de l’App Store applicables aux fournisseurs de musique en continu (i.e. la musique streaming). La Commission considère que l’entreprise a faussé la concurrence sur le marché de la diffusion de la musique en streaming en abusant de sa position dominante en ce qui concerne la distribution d’applications de diffusion de musique en streaming via l’App Store. La Commission relevait, d’une part (i) qu’Apple facturait aux développeurs une commission de 30% sur tous les abonnements souscrits par l’intermédiaire de son système obligatoire d’achat intégré propriétaire, laquelle était répercutéein fine sur les consommateurs, et, d’autre part, (ii) que plusieurs stipulations contractuelles limitaient la capacité des développeurs à informer les utilisateurs d’autres possibilités d’achat en dehors de l’App Store.
Selon la Commission :
« L'App Store d'Apple (…) est la seule boutique d'applications que les utilisateurs d'iPhones et iPads peuvent utiliser pour télécharger des applications pour leurs appareils mobiles. La Commission a constaté que les utilisateurs d'appareils Apple étaient très fidèles à la marque et ne la quittaient pas facilement. En conséquence, pour accéder aux utilisateurs d'iOS, les développeurs doivent distribuer leurs applications via l'App Store, et donc se plier aux règles obligatoires et non négociables d'Apple ».
Selon le site d’Associated Press, ces frais constitueraient une part significative des 85 milliards de dollars de revenus perçus par la division service d’Apple au cours de la dernière année fiscale.
Cette procédure est toujours en cours.
À l’avenir, cette problématique pourra être appréhendée par la Commission sur le fondement du règlement DMA (Digital Market Act), qui a pour objet de rééquilibrer les relations entre les Gatekeepers – dont Apple au titre de son App Store - et les entreprises utilisatrices en imposant une liste de 24 obligations et interdictions à laquelle ces derniers devront se soumettre dans les 6 mois de leur désignation sous peine de sanctions, soit au plus tard le 7 mars 2024. Le règlement consacre notamment le principe de liberté commerciale, obligeant le Gatekeeper à laisser ses entreprises utilisatrices promouvoir leurs offres et conclure des contrats en dehors des plateformes (articles 5.3 à 5.5).
Le 16 novembre 2023 Apple a déposé deux requêtes, dont l’une a pour objet de contester le statut de Gatekeeper qui lui a été attribué par la Commission, notamment en lien avec son service d’intermédiation en ligne App Store (T-1080/23).
Pour se conformer au DMA, Apple pourrait proposer une version spécifique de son App Store au sein de l’Union Européenne, qui permettrait aux utilisateurs et utilisatrices d’installer des applications venant de source tierces. En revanche, Apple devrait conserver une version inchangée de son App Store pour le reste du monde, preuve que les enjeux financiers sont importants pour la marque à la pomme.