L’ordonnance n° 2024-978 du 6 novembre 2024 modifiant la loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 visant à encadrer l'influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux vient d’être publiée au JORF n°0264 du 7 novembre 2024.
Cette ordonnance vise à mettre la loi influence commerciale en conformité avec le droit européen (Compte rendu du Conseil des ministres du 06 octobre 2024).
La future loi du 9 juin 2023 sur l’influence commerciale entrant dans le cadre de la société de l’information définie par le droit européen, certaines dispositions avaient fait l’objet d’une notification à la Commission européenne dès le 12 mai 2023 laquelle avait transmis, le 23 août 2023, une lettre d’observations relevant que les dispositions notifiées (notamment les articles 10, 11, 12, 15 et 18 de la loi sur l’influence commerciale qui anticipaient des dispositions équivalentes du règlement DSA (UE) 2022/1065 du 19 octobre 2022 (article 3 II )) enfreignaient le droit européen.
Autrement dit le gouvernement devait mettre la loi du 9 juin 2023 en conformité avec le droit de l’Union.
L’article 3 de la loi n°2024-364 du 22 avril 2024 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole dite « Loi DDADUE » a ainsi abrogé les articles 10, 11, 12, 15 et 18 de la loi sur l’influence commerciale (article 3 III) et a habilité le gouvernement à réécrire, par voie d’ordonnance, les articles 1er, 2, 4, 5, 8 et 9 de la loi pour les adapter droit européen (articles 3 I et 3 II).
Voilà qui est chose faite avec l’ordonnance n° 2024-978 du 6 novembre 2024 qui vient d’être publiée.
L’article 1er I de l’ordonnance reprend à l'identique la définition de l’influence commerciale de l’article 1er la loi sur l’influence commerciale. Ajoutons que la plupart des dispositions non abrogées de la loi ne sont pas réécrites. Seuls les articles 4, 5 et 9 de la loi sur l’influence commerciale le sont.
L’article 1er II de l’ordonnance modifie l'article 4 de la loi sur l’influence commerciale pour préciser certaines interdictions de publicité par les influenceurs dans le secteur de la santé (chirurgie esthétique, méthodes non-thérapeutiques) pour respecter l'objectif de proportionnalité au regard de la directive 2000/31/CE (e-commerce). Une clarification de la rédaction des sanctions applicables (article 1er II) est également opérée.
Plus importante est la réécriture de l'article 5 de la loi sur l’influence commerciale qui assouplit les mentions d'affichage de l'intention commerciale afin de les mettre en conformité avec la directive 2005/29/CE relative aux pratiques commerciales déloyales.
L’article 5 I de la loi du 9 juin 2023 sur l’influence commerciale imposait pour afficher l’intention commerciale soit la mention « Publicité » soit la mention « Collaboration commerciale » (article 5 de la loi). Cet article est supprimé et remplacé par un article 5-2 (nouveau). Désormais l'intention commerciale peut être explicitement indiquée par le recours aux mentions “publicité” ou “collaboration commerciale” « ou par une mention équivalente adaptée aux caractéristiques de l'activité d'influence et au format du support de communication utilisé ».
Par ailleurs, l’article 5 I de la loi du 9 juin 2023 sur l’influence imposait que la mention de l’intention commerciale soit « claire, lisible et identifiable sur l'image ou sur la vidéo, sous tous les formats, durant l'intégralité de la promotion ».
Le format d’apparition (« sous tous les formats, durant l'intégralité de la promotion ») est supprimé.
Désormais l'intention commerciale peut être explicitement indiquée par le recours à une mention « adaptée aux caractéristiques de l'activité d'influence et au format du support de communication utilisé », sans autre condition.
Et l’article 5-2 rappelle que constitue une pratique commerciale trompeuse au sens de l'article L. 121-3 du code de la consommation l'absence d'indication par une mention claire, lisible et compréhensible, sur tout support utilisé, de l'intention commerciale poursuivie par une personne physique ou morale exerçant une activité d'influence au sens de l'article 1er de la présente loi, dès lors que cette intention ne ressort pas déjà du contexte.
De même sont assouplies les modalités d'information sur les images retouchées et les images virtuelles, afin d'en garantir la proportionnalité et d'assurer la pérennité de la disposition, dans le cadre d'une évolution rapide de la technologie et des normes juridiques en la matière (règlement européen IA notamment).
L’article 5 II de la loi du 9 juin sur l’influence commerciale imposait qu’un contenu comportant une modification par tout procédé de traitement d'image visant à affiner ou à épaissir la silhouette ou à modifier l'apparence du visage soit accompagnés de la mention : “ Images retouchées ” et que celui comportant une production par tout procédé d'intelligence artificielle visant à représenter un visage ou une silhouette soit accompagné de la mention : “ Images virtuelles ”.
Désormais, les mentions prévues par le nouvel article 5 I doivent être « claires, lisibles et compréhensibles, sur tout support utilisé (…) peuvent être remplacées par une mention équivalente adaptée aux caractéristiques de l'activité d'influence et au format du support de communication utilisé ».
L’article 5-1 vient clarifier, en matière d’influence commerciale, l’application du principe du pays d'origine dit « PPO » qu'imposent les directives 2000/31/CE (e-commerce) et 2010/13/UE (« services de médias audiovisuels » ou SMA), tout en rappelant les exceptions à cette règle qui peuvent être invoquées dans le respect des procédures dérogatoires prévues par ces directives.
Originellement situé à l’article 1er II du projet d’ordonnance et – pour être honnête – assez illisible, ces dispositions sont désormais situées à l’article 5-1 et totalement réécrites depuis.
Sans entrer dans le détail, retenons que l’influenceur peut relever, sous certaines conditions, en France et plus généralement dans l’EEE de la qualification de fournisseurs de média audiovisuels au sens de la directive 2010/13/ UE du Parlement européen et du Conseil du 10 mars 2010.
Si cet influenceur est qualifié de fournisseur de média audiovisuel et relève de la compétence de la France, les dispositions I (chirurgie esthétique), II (méthodes non-thérapeutiques) et III (produits de nicotine) de l’article 4 sur l’influence commerciale s’appliquent. S’il relève d’un autre état membre de l’EEE, ces dispositions ne s’appliquent pas sauf dérogation provisoire à la liberté de réception et de retransmission sur leur territoire de services de médias audiovisuels en provenance d’autres États membres.
Sous réserve du cas de l’influenceur qualifié de fournisseur de média audiovisuel, les dispositions des articles 4 et 5 ne s'appliquent pas aux personnes établies dans un autre Etat partie à l'Espace économique européen.
Toutefois, lorsque les conditions mentionnées aux paragraphes 4 à 5 de l'article 3 la directive 2000/31/ CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 sur le commerce électronique sont remplies (cas de dérogation à la libre circulation des services de la société de l’information en provenance d’un autre Etat membre en raison d’un motif d’ordre public, de santé publique ou de protection des consommateurs) et au terme de la procédure prévue par ces mêmes dispositions, l'autorité administrative précise à la personne en cause les dispositions qui lui sont applicables, sous peine des sanctions afférentes, ainsi que le service concerné (article 5-1 nouveau).
Rassurons-nous les modalités d'application de cet article seront définies par décret en Conseil d'Etat (article 5-1 III).
L’article 1 V de l’ordonnance ajuste la rédaction de l'article 9 de la loi sur l’influence commerciale relatif aux influenceurs étrangers, ceux qui ne sont pas établies sur le territoire d'un Etat membre de l'UE, de la Confédération suisse ou de l'EEE et qui sont soumis à l'obligation de désigner un représentant légal dans l'UE et de souscrire une assurance responsabilité civile professionnelle). Il est précisé que cette obligation s'applique aux personnes exerçant une activité d'influence commerciale ciblant « un public en France ».
Cette ordonnance doit donner lieu, outre les décrets attendus depuis la loi du 9 juin 2023, à la publication de décrets au titre des articles 5-1 et 9-I.
Un projet de loi de ratification devra également être déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.
À suivre.
Brèves influences :