La loi n°2014-779 du 8 juillet 2014 encadrant les conditions de la vente à distance des livres dite loi « Anti-Amazon » est entrée en vigueur le 10 juillet. Au vu des difficultés d’application que cette loi présente d’ores et déjà, il est possible de se demander s’il ne s’agit pas d’une loi fantôme.
Cette loi vise à rendre les livres plus chers sur Internet qu’en librairie physique. Elle interdit désormais aux vendeurs à distance de pratiquer la réduction de 5% en leur permettant uniquement d’appliquer sur les frais de livraison une réduction égale à 5% du prix du livre. Le but de cette loi était de protéger la profession des libraires physiques vouée à disparaitre du fait de la croissance des sites internet, tels Amazon ou la Fnac qui disposent de moyens financiers immenses, et intervenait dans le contexte particulier de la faillite de Virgin et de Chapitre.
La loi énonce ainsi dans son Article 1 :
« Le quatrième alinéa de l’article 1er de la loi n° 81-766 du 10 août 1981 relative au prix du livre est complété par deux phrases ainsi rédigées :
Lorsque le livre est expédié à l’acheteur et n’est pas retiré dans un commerce de vente au détail de livres, le prix de vente est celui fixé par l’éditeur ou l’importateur.
Le détaillant peut pratiquer une décote à hauteur de 5 % de ce prix sur le tarif du service de livraison qu’il établit, sans pouvoir offrir ce service à titre gratuit ».
Le texte, critiqué, a fait l’objet d’un avis circonstancié de la Commission européenne présenté par la sénatrice Bariza Khiari lors des comptes rendus de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
L’Avis présente quatre objections :
La Commission de la culture du Sénat a choisi de ne pas suivre ces objections, celles-ci visant le maintien de la possibilité pour les cybermarchands d’offrir les frais de port à leurs clients.
La France se trouve donc sous la menace d’un contentieux et, ainsi, d’une condamnation par la Cour de justice de l’Union européenne.
Considérant l’interdiction de la gratuité des frais de port établie dans la loi du 8 juillet, il doit être noté que celle-ci a vu son efficacité remise en question dès le premier jour de son application.
En effet, Amazon a choisi comme politique de prévoir des frais de port à hauteur de 0,01 centimes.
Le site indique sur son site internet que :
« Depuis la nouvelle loi du 8 juillet 2014 relative aux conditions de vente à distance des livres, nous ne sommes malheureusement plus autorisés à vous offrir la livraison gratuite pour une commande de livres ».
« Nous avons donc fixé les frais de livraison à 1 centime d’euro par commande contenant des livres et expédiée par Amazon pour vous garantir systématiquement le prix le plus bas pour vos commandes de livres ».
Le ministère de la Culture a déclaré ne pas en être étonné :
« Ce n’est pas une surprise pour nous, et c’est légal. La loi était avant tout symbolique, il fallait affirmer que la livraison avait un véritable coût. C’est fait ».
Lors du débat parlementaire, la question s’était posée de fixer le prix des frais de port à leur valeur réelle plutôt que de mettre en place un système contournable. Mais cette alternative était inapplicable en pratique car il était impossible de calculer le prix coûtant des frais de port et elle aurait avantagé les grands acteurs bénéficiant d’une main d’œuvre organisée.
Le secteur du livre est régi par la loi de 1981 sur le prix du livre, dont l’article 1er impose un prix de vente unique, fixé par l’éditeur. Or la loi interdit aux libraires en lignes d’effectuer une réduction de 5%, désormais uniquement autorisée pour les libraires physiques. Cette loi a donc eu pour conséquence de créer un vrai différentiel de prix entre Amazon et les indépendants.
En l’état, il ne s’agit donc pas d’une loi fantôme mais plutôt d’une loi en demi-teinte.