Le 14 avril dernier, le Conseil d’État a jugé le monopole de la Française des Jeux conforme au droit de l’Union européenne et, plus précisément, justifié par des motifs d’ordre public et de maîtrise des risques de dépendance1.
Les jeux d’argent et de hasard ont fait l’objet, courant 2019, d’une réforme de grande ampleur. La loi n°2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises a autorisé le transfert de la majorité du capital de la Française des Jeux au secteur privé tout en confirmant son monopole d’exploitation des jeux de loteries commercialisés en réseau physique et en ligne ainsi que des jeux de pronostics sportifs commercialisés en réseau physique2. Une ordonnance et deux décrets d’application sont venus préciser sa mise en œuvre3.
L’association European Gaming and Betting Association et les opérateurs de jeux d’argent en ligne Betclic et Unibet ont formé des recours pour excès de pouvoir contre ces textes, en invoquant notamment une atteinte aux principes de libre prestation de services, liberté d’établissement et à la liberté d’entreprendre , un abus de position dominante, une méconnaissance du principe d’égalité et l’impartialité de l’Etat. Ces recours ont été rejetés par la Conseil d’Etat, qui a considéré que le Gouvernement a poursuivi un objectif d’intérêt général consistant à protéger la santé et l’ordre public en raison des risques avérés de jeu excessif, de fraude et d’exploitation des jeux de loterie à des fins criminelles justifiant l’atteinte portée aux principes précités.
Le Conseil d’État relève notamment le contrôle étroit opéré par l’État ainsi que l’Autorité Nationale des Jeux sur l’organisation et l’exploitation des droits exclusifs par la Française des Jeux. Par ailleurs, il considère que la durée des droits fixée à 25 ans comme n’est pas excessive dans la mesure où l’Etat a toujours la possibilité d’y mettre fin dès lors que les objectifs visés ne seraient pas atteints.
Pour le Conseil d’État, le système de droits exclusifs serait de nature à assurer une meilleure maîtrise des risques liés aux jeux de hasard et poursuit l’objectif de lutte contre la dépendance au jeu de manière plus efficace. Plus particulièrement, la politique de développement des jeux offerts par la Française des Jeux se caractérise par des obligations et restrictions relatives au plafonnement du nombre de jeux susceptibles d’être exploités simultanément et à l’encadrement de l’espérance mathématique de gain ainsi que par des modalités de contrôle renforcées permettant d’orienter sa politique promotionnelle et de s’assurer que son offre de jeux reste quantitativement limitée et qualitativement aménagée. Cela étant, on ne voit pas pourquoi ces mesures protectrices ne pourraient pas être assurées dans un cadre concurrentiel.
S’agissant de la rémunération due à l’État par la Française des Jeux, fixée à hauteur de 380 millions d’euros, en contrepartie des droits exclusifs accordés, le Conseil d’État se prononcera après la décision de la Commission européenne attendue à la suite de l’enquête ouverte à propos de cette soulte en 20214.
1 Conseil d’Etat, 5ème et 6ème chambres réunies, 14 avril 2023, European Gaming and Betting Association et autres n° 436434 et suivants ; société The betting and gaming council n° 436439 et suivants
2 Loi n°2019-486 du 22 mai 2019, article 137
3 Ordonnance n°2019-1015 du 2 octobre 2019 réformant la régulation des jeux d’argent et de hasard ; Décret d’application n°2019-1060 du 17 octobre 2019 relatif aux modalités d’application du contrôle étroit de l’Etat sur la société LFDJ et n°2019-1061 relatif à l’encadrement de l’offre de jeux de LFDJ et du pari mutuel urbain
4 Commission européenne, Aides d’État SA.56399 et SA.56634 (2021/C 487/03), Octroi supposé d’aide d’État illégale à la Française des Jeux, en date du 26 juillet 2021, publié le 3 décembre 2021