Le modèle économique de la fourniture de contenu par abonnement n’est pas nouveau et existe depuis plus d’un siècle déjà dans le domaine de la presse. Au cours des dernières années, ce modèle s’est étendu à d’autres secteurs industriels1.
Dans le secteur audiovisuel, la vidéo à la demande par abonnement a pris une place essentielle même si elle coexiste encore avec d’autres modes de consommation2. En 2019, on comptait en France, en moyenne, 2,5 abonnements par consommateur (pour 3,4 aux États-Unis)3 et 92% de ces consommateurs déclaraient souhaiter poursuivre ce mode de consommation.
L’industrie du jeu vidéo n’échappe pas à cette transformation, qui se caractérise par un développement des offres d’abonnement et des technologies, telles que le Cloud Gaming4 qui repose sur des technologies suffisamment performantes comme celles de Nvidia (GeForceNow), Microsoft (XCloud) ou encore Shadow.
Ce modèle économique modifie la nature de la relation contractuelle entre l’utilisateur et le fournisseur de contenus et pourrait avoir un impact sur l’importance des contenus proposés par ces plateformes.
Les acteurs pourraient chercher à se démarquer de la concurrence par leur catalogue des jeux, à l’instar des programmes phares proposés par les plateformes de VOD (Stranger thing sur Netflix, Le seigneur des Anneaux sur Amazon Prime ou Le Bureau des Légendes sur Canal+ Series). C’est d’ailleurs ce que faisaient déjà les constructeurs de consoles (en témoigne la rivalité de longue date entre la Xbox de Microsoft et la Playstation de Sony) notamment au travers d’une politique de rachat de studios de développement.
Microsoft avait ainsi acquis 15 structures en moins de trois ans et annoncé en 2020 l’acquisition de ZeniMax Media (et ses filiales Bethesda, Id Software et Arkane) pour 7,5 milliards de dollars, opération à laquelle la Commission européenne ne s’était pas opposée5.
C’est dans ce contexte que l’autorité de la concurrence britannique (la « Competition and Markets Authority », ci-après la « CMA ») a publié le 8 février 2023 un premier rapport sur le projet d’acquisition d’Activision-Blizzard par Microsoft exprimant plusieurs préoccupations de concurrence.
Parmi ces préoccupations, figurent le potentiel renforcement de la position de Microsoft sur le marché du Cloud Gaming et le risque que les jeux d’Activision deviennent des exclusivités Xbox - en particulier la très lucrative série des Call of Duty - ce qui pourrait conduire à des hausses de prix au détriment des consommateurs.
Les parties vont devoir proposer à la CMA des remèdes de nature à répondre à ces préoccupations. A cet égard, le 21 février dernier Microsoft a donné une conférence de presse suite à son audition par la Commission européenne. Son président, Brad Smith, a annoncé la conclusion d’un contrat avec Nintendo portant sur la série des Call of Duty ainsi qu’un partenariat avec son concurrent Nvidia sur le marché du Cloud Gaming, lesquels visent à réduire les réticences des autorités de concurrence.
Cette affaire fournit un nouvel exemple de la grande vigilance des autorités de concurrence à l’égard des rapprochements d’entreprises du divertissement (télévision avec TF1/M6, jeux vidéo…) qui pourraient conduire à restreindre la liberté de choix des consommateurs et leur imposer des prix plus élevés, dans un contexte de mutation du secteur.
1 Netflixisation: vers une généralisation de l'économie de l'abonnement pour toutes lesindustries ? par Fabernovel et Zuora, Janvier 2022.
2 Selon le CNC, le marché de la Vidéo à la demande par abonnement représentait aucours des 9 premiers mois de 2022 près de 80% du marché de la vidéo Baromètretrimestriel de la vidéo - neuf premiers mois 2022 | CNC.
3 Subscribed Institute, 2021, UnivDatos Market Insight 2019, ING 2018.
4 Cette technologie consiste à délocaliser l'exécution de jeux vidéo vers desserveurs à distance, lesquels envoient la vidéo en streaming aux joueurs quijouent en temps réel grâce à leur connexion internet.
5 Commission Européenne - Competition Policy (europa.eu) §125-128 : “Even if thecombined entity was to engage in a (total or partial) input foreclosurestrategy, the Commission considers that such a strategy would not have amaterial impact on competition in the EEA. Rival consoles would not be deprivedof an essential input, and could still rely on a large array of valuable videogame content to attract players (…) Inlight of the above, the Commission concludes that the Transaction does notraise serious doubts as to the compatibility with the internal market withrespect to possible input foreclosure practices under all the alternativeproduct markets for game publishing, whether at EEA or at worldwide level”.