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Actualité
25/9/15

Clauses de confidentialité : il faut être précis !

« Le coup de foudre » contractuel n’existe pas ! Avant de conclure une convention, les parties ont en effet souvent besoin de discuter. Révélant à l’occasion des discussions des éléments qu’ils estiment importants, les partenaires contractuels stipulent généralement dans leur accord de négociation des clauses de confidentialité. Le TGI de Nanterre rappelle ici le 2 octobre 20141 toute l’importance qu’il y à rendre ces clauses précises.

La société « Drimki » a mis en place en 2007 un site Internet www.drimki.fr permettant la mise en relation des vendeurs de bien immobilier avec des acheteurs, la réalisation d’estimations de la valeur des immeubles mis en vente et la mise en ligne d’annonces. Début 2011, des discussions ont lieu entre cette société et la société « A vendre A Louer » en vue d’un éventuel partenariat. À cet effet, M. N., directeur commercial de la société « À vendre à Louer », mandatée par celle-ci pour réaliser une étude de faisabilité, signait le 10 février 2011 un engagement de confidentialité. La teneur de la clause n’est pas révélée par le jugement mais l’on imagine qu’elle imposait au dirigeant de ne pas utiliser directement ou indirectement les informations recueillies à l’occasion des discussions à des fins personnelles ou pour le compte d’une société autre que celle portant le projet en cause. Finalement, le partenariat envisagé n’a pas abouti et les deux sociétés ont cessé leurs discussions à la fin du mois d’avril 2011. Le 5 janvier 2012, M. N. faisait immatriculer au registre du commerce et des sociétés une société « Néo Avenue », dont il est le président, laquelle mettait en ligne le 15 janvier suivant un site Internet www.neo-avenue.fr de vente immobilière. Estimant que M. N. avait violé son engagement de confidentialité et que sa société avait commis des actes de concurrence déloyale, la société « Digitre » les a fait assigner. Le TGI de Nanterre règle le litige sur le terrain de la preuve, estimant que celle-ci n’est pas rapportée, faute de préciser les informations confidentielles en cause qui auraient été dévoilées et utilisées fautivement.

Comme le souligne notre collègue Grégoire Loiseau, « la clause de confidentialité est conceptuellement vertueuse mais pratiquement inefficace »2 si l’on ne prend pas la peine de la définir avec précision. Le praticien s’efforcera alors d’énoncer les informations couvertes par le secret, les parties concernées par cette confidentialité, la durée de la discrétion…. Il s’efforcera éventuellement de préconstituer le préjudice causé par la révélation fautive. Tout conseil qui n’avait manifestement pas été suivi dans cette affaire et qui conduit le juge à ne pas sanctionner la clause trop générale.

La précision de la clause de confidentialité se révèle également importante lorsqu’elle est insérée dans un contrat de travail3. Il ne faut pas en effet que cette stipulation soit confondue avec une clause de non concurrence assortie d’une contrepartie financière comme le rappelle ici la chambre sociale de la Cour de cassation le 15 octobre 20144.

Dans cette décision, le salarié qui occupait la qualité de « directeur marketing-division explosifs industriels », tentait de faire admettre au juge que la clause de confidentialité produisait les mêmes effets que la clause de non concurrence. Elle l’empêchait, « à l’instar de la clause de non-concurrence, de retrouver un emploi ». Le point était d’autant plus vrai « qu’il avait toujours travaillé dans le même domaine d’activité sur lequel il y a très peu d’intervenants ». Le domaine d’activité étant, de surcroît, assez réduit puisqu’il concernait le domaine des explosifs, de la démolition et du forage-minage. En conséquence, il devait obtenir une contrepartie financière. La chambre sociale ne suit pas et approuve la Cour d’appel d’avoir « constaté que la clause litigieuse ne portait pas atteinte au libre exercice par le salarié d’une activité professionnelle, mais se bornait à imposer la confidentialité des informations détenues par lui et concernant la société ».

La clause ici n’était ni ambigüe, ni trop large dans sa portée comme cela était le cas pour une clause qui interdisait au salarié « de s’intéresser à toute entreprise susceptible de faire concurrence à l’activité » de l’employeur5. Rien de tel ici. La Cour prend le soin de dire que cette stipulation porte bien sur la confidentialité des informations « concernant la société ». Le juge entend donc protéger le savoir-faire de l’entreprise et non interdire au salarié de trouver un autre emploi. Il se montre indifférent au caractère très spécialisé de l’activité ainsi qu’à l’absence de toute autre expérience professionnelle du salarié, ce que certains ont pu regretter6.

L’on doit pourtant pouvoir travailler pour une société concurrente sans révéler le savoir-faire communiqué dans le cadre de son précédent contrat même si l’on sait bien qu’il n’est pas toujours facile de distinguer le savoir-faire isolable du salarié et le savoir-faire de l’entreprise. Mais là encore c’est tout l’intérêt du contrat de le dire.

Jean-Michel BRUGUIERE

1 TGI Nanterre 2 octobre 2014 legalis.net
2 Com. com. électr. 2015 comm. 3
3 Rappelons que la clause présente un intérêt évident lorsqu’elle étend l’obligation de non divulgation, comme c’était le cas dans la décision commentée, à la période post- contractuelle (la période du contrat étant couverte par le principe de loyauté).
4 Soc. 15 octobre 2014, n° 13-11.524
5 Soc. 5 déc. 2007, n° 06-41.267 et 06-41.346.
6 Voir par exemple le commentaire critique de l’arrêt de L. Gratton dans la revue Droit social 2015 p. 39.

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