Après plusieurs mois d’attente, le Décret n°2022-947 relatif à l’utilisation de certaines dénominations employées pour désigner des denrées comportant des protéines végétales, a été publié au Journal Officiel le 30 juin 2022.
Depuis quelques années, la question de l’utilisation de dénominations identiques pour des produits carnés et des produits végétaux était dans le viseur du législateur français, notamment pour les denrées alimentaires contenant des protéines végétales.
Cette interdiction a été adoptée avec la loi n° 2020-699 du 10 juin 2020 relative à la transparence de l'information sur les produits agricoles et alimentaires qui créé l’article L.412-10 du Code de la consommation en vertu duquel désormais :
« Les dénominations utilisées pour désigner des denrées alimentaires d'origine animale ne peuvent être utilisées pour décrire, commercialiser ou promouvoir des denrées alimentaires comportant des protéines végétales ».
Le présent Décret, qui avait été notifié fin 2021 à la Commission européenne dans le cadre de la procédure 2015/1535 pour la prévention des obstacles dans le marché intérieur, vient donc préciser les modalités d’application de ce nouvel article du Code de la consommation.
Ainsi, l’article 2 du Décret interdit désormais d’utiliser, pour désigner un produit transformé contenant des protéines végétales :
En pratique, ce Décret confirme l’interdiction des dénominations telles que “steak végétal”, “saucisses végétales” pour les alternatives végétales.
Cependant, l’article 3 du Décret prévoit que la dénomination d’une denrée alimentaire d’origine animale peut être utilisée pour les denrées alimentaires d’origine animale contenant des protéines végétales dans une proportion déterminée.
À titre d’illustration, pour pouvoir utiliser une dénomination, la teneur maximale est de 7% de protéines végétales dans les préparations de viande hachée, 0,5% dans les lardons ou encore 2% dans les merguez.
Une seconde dérogation s’applique également pour désigner les arômes ou ingrédients alimentaires possédant des propriétés aromatisantes utilisées dans des denrées alimentaires (article 3).
Il semble donc encore possible d’utiliser des dénominations telles que « goût merguez » ou « saveur lardons ».
En outre, le décret indique que les dénominations mentionnées à l'article 2 peuvent être utilisées dans les noms descriptifs des assemblages de denrées d'origine animale avec d'autres types de denrées qui ne se substituent pas aux denrées d'origine animale mais sont ajoutées en complément de ces dernières dans le cadre de ces assemblages (article 4).
Par ailleurs, une dérogation existe également pour les produits légalement fabriqués ou commercialisés dans un autre Etat membre de l'Union européenne ou en Turquie, ou légalement fabriqués dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen (article 5).
Ainsi, seuls les produits fabriqués en France sont concernés par cette réglementation qui apparait aux yeux de nombreux opérateurs de ce secteur comme une discrimination injustifiée.
En effet, la conséquence directe est qu’une entreprise française qui fabrique ses produits en France sera soumise à cette réglementation, alors qu’une entreprise belge ou portugaise ne sera pas soumise à ces exigences et pourra commercialiser ses produits sur le territoire français.
Cela aura pour effet de la part des opérateurs du secteur de délocaliser la production en Europe des produits soumis à ces nouvelles dispositions.
Le Décret entrera en vigueur le 1eroctobre 2022 et il prévoit un délai d’écoulement des stocks pour les denrées alimentaires fabriquées ou étiquetées avant cette date, jusqu’au 31 décembre 2023 (article 8).
Cependant, dans une affaire que nous avons plaidée avec succès, les juges ont pris une position tranchée en faveur de l’utilisation de certaines de ces dénominations pour les produits contenant des protéines végétales (cf. Arrêt de la Cour d’appel de Rennes du 5 avril 2022, n°19/08378).
La question en suspens est de savoir comment cette position jurisprudentielle favorable aux produits végétaux, et en accord avec la position européenne sur le sujet, sera interprétée : en effet, elle va à l’encontre de la nouvelle règlementation française.
Au surplus, en 2020, la Commission européenne a rejeté une proposition d’amendement visant à interdire l’utilisation de dénominations « carnées » pour désigner des denrées alimentaires composées de protéines végétales, ce qui n’a pas empêché la France d’adopter définitivement la règlementation en cause, mais pour son seul territoire.
Enfin, aux termes de cette nouvelle réglementation, tout manquement aux dispositions du décret est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 7.500 euros pour une personne morale (article 7).