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Actualité
12/4/16

Usurpation d'identité - Les ressources de l'article 226-4-1 du Code pénal pour les personnes morales

1. L’usurpation du nom de la Croix-Rouge Internationale

La Croix-Rouge Internationale (CICR) représente dans le monde une entité morale intègre et indépendante. Or les « Panama papers » ont révélé hier (Le Monde 13 avril 2016) que de nombreux hommes d’affaires avaient utilisé l’identité de l’organisation humanitaire dans les circonstances (troubles) suivantes. Le prestataire de services offshore Mossack Fonseca met à la disposition de ses clients deux fondations dont la Faith Foundation.

Les banques étant aujourd’hui tenues d’obtenir des informations sur les bénéficiaires économiques finaux de ces fondations, la Faith Foundation a désigné la Croix-Rouge Internationale (International Red Cross). Or les « Panama papers » ont montré que ce montage avait été utilisé pour dissimuler notamment de l’argent associé à des activités criminelles. Le président de la Croix-Rouge déclarait ainsi à propos de cette utilisation :

« Il n’y a pratiquement aucune marque au monde qui ait autant besoin d’être protégée que celle du CICR. Si nous nous retrouvions associés à une société offshore d’une faction en guerre, je n’ose imaginer à quoi nous pourrions être mêlés … Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour mettre fin à une telle usurpation ».

2. Comment se défendre face à de telles usurpations ? Ressources de l’article 226-4-1 du Code pénal

Usurpation… Le mal est identifié. Mais comment se protéger face à de telles pratiques ? Une personne morale elle-même (car la Croix-Rouge est bien une personne morale) jouit-elle d’une protection particulière, hormis celle qu’offre le droit des marques, bien difficile à faire jouer ici a priori, en l’absence d’un usage, à titre de marque, du signe distinctif la Croix-Rouge ? Est-ce que l’article L.226-4-1 du Code pénal pourrait-être une ressource utile contre ces usurpations d’identité ?

Ce texte, introduit par la loi du 14 mars 2011, dispose que :

« le fait d’usurper l’identité d’un tiers ou de faire usage d’une ou plusieurs données de toute nature permettant de l’identifier en vue de troubler sa tranquillité ou celle d’autrui, ou de porter atteinte à son honneur ou à sa considération, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 d’amende. Cette infraction est punie des mêmes peines lorsqu’elle est commise sur un réseau de communication au public en ligne ».

« L’atteinte à l’honneur et à la considération » ne pose pas ici de difficultés. La formule reprend en effet la définition même de la diffamation, parfaitement invocable par les personnes morales (Sur cette jurisprudence voir  H. Martron, Les droits de la personnalité des personnes morales de droit privé, LGDJ 2011, Préf. J.-C Hallouin).

« L’identité » est un terme selon nous assez large pour englober la réputation et l’image de marque d’une personne morale. Mais ce « tiers » peut-il être une personne morale ou se limite-t-il aux personnes physiques ?

3. Application de l’article 226-4-1 aux personnes morales

De prime abord, il pourrait être soutenu que ce texte ne joue qu’au profit des êtres de chair.

Tout d’abord l’application de ce texte aux personnes morales semble difficilement envisageable dans la mesure où il se trouve dans un titre relatif aux atteintes à la personne humaine.

Ensuite, des propositions de lois prévoyant explicitement l’application de l’usurpation d’identité aux entreprises n’ont pas été suivies (Sénat, prop. de loi n° 452, 4 juill. 2005 tendant à la pénalisation de l’usurpation d’identité numérique sur les réseaux informatiques. – Sénat, prop. de loi n° 86, 6 nov. 2008 relative à la pénalisation de l’usurpation d’identité numérique).

Nous pensons toutefois que ce texte peut être parfaitement appliqué aux personnes morales.
Un rapport sur la cybercriminalité de février 2014 considère en effet que l’article 226-4-1 du Code pénal « est suffisamment large pour réprimer toute usurpation d’identité numérique, y compris au préjudice des personnes morales et donc des entreprises » (Groupe de travail interministériel sur la lutte contre la cybercriminalité, p. 153).

Une décision du TGI de Paris du 21 novembre 2014 (TGI Paris 21 novembre 2014 n°10183000010 et 1331100070), passée relativement inaperçue (voir toutefois le commentaire de A. Caprioli dans Com. com. électr. 2015 comm. 85), n’a pas hésité à faire jouer cette disposition au profit d’une personne morale (dont le nom avait été utilisé avec ceux de personnes physiques victimes de faux profils). Selon les juges, la société « a été victime de la part de Mme L. A. d’une usurpation d’identité en vue de porter atteinte à son honneur ou à sa considération en utilisation un réseau de communication au public en ligne ». La décision ajoute que cette infraction « cause un préjudice particulièrement grave à cette société, les termes utilisés mettant en cause son sérieux et sa probité ».

Nous ne savons pas si cette décision a été confirmée en appel. Toutefois, elle nous semble aller dans le bon sens. Toutes les voies sont à explorer pour protéger la ereputation des personnes morales.

Jean-Michel BRUGUIERE
Image par Andrzej Rembowski de Pixabay
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