Le 26 avril 2017, la Cour de cassation a rendu son arrêt dans l’affaire opposant le Ministre de l’économie à Darty.
Pour rappel, cette affaire trouve son origine dans les assignations dites « Novelli » signifiées en fin d’année 2009 par le Ministère de l’économie à l’encontre de grands distributeurs sur le fondement de l’interdiction du déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties de l’article L. 442-6-I-2° du Code de commerce.
A la suite d’une enquête nationale, la DGCCRF avait critiqué deux clauses contenues dans les conventions de distribution de Darty avec plusieurs de ses fournisseurs : la clause de « protection de stock » et la clause de « produits obsolètes-mévente d’un produit ».
Par arrêt du 25 novembre 2015, la Cour d’appel de Paris avait confirmé en tous points le jugement du Tribunal de commerce de Bobigny du 29 mai 2012[3] qui avait jugé que ces deux clauses créaient un déséquilibre significatif au bénéfice de Darty.
La Cour de cassation rejette le pourvoi formé par Darty au terme d’un arrêt dont les principaux enseignements sont les suivants :
L’article L. 442-6-I-2° sanctionne le fait « de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties« .
Darty reproché en l’espèce au Ministre de ne pas avoir rapporté la preuve que les fournisseurs en cause constituaient pour elle un « partenaire commercial » au sens de ce texte.
La Cour rejette le pourvoi, soulignant que la cour d’appel a caractérisé la qualité de partenaire commercial des fournisseurs en relevant que :
« les clauses litigieuses ont été insérées dans des contrats conclus en 2009 entre la société Darty et certains de ses fournisseurs, à l’occasion de la formalisation de leur négociation commerciale annuelle ».
Cette solution n’est pas surprenante et est d’ailleurs dans le droit fil de la jurisprudence, les juges énonçant que la notion de partenaire commercial implique une volonté commune et réciproque d’effectuer des actes ensemble dans des activités de production, de distribution ou de services[4], ce qui est bien le cas lorsque les partenaires signent une convention annuelle.
Cette clause prévoyait qu’en cas de baisse du tarif d’un produit, le fournisseur établirait (alternative 1) ou pourrait établir (alternative 2) au client un avoir correspondant à l’écart entre le précédent prix et le nouveau prix multiplié par le nombre de produits en stock chez le client.
La Cour de cassation approuve la Cour d’appel de Paris qui a jugé que cette stipulation était contraire à l’article L. 442-6-I-2° au motif que :
La Cour en conclut que c’est à bon droit que « la cour d’appel, qui a fait ressortir l’absence de marge réelle de négociation des fournisseurs en cause, a, […] pu retenir, sans inverser la charge de la preuve, que la soumission de ces derniers était établie » et qu’en l’absence de toute négociation, la clause faisait naître une véritable obligation à la charge des fournisseurs.
Cette clause prévoyait qu’en cas d’obsolescence d’un produit, d’arrêt de fabrication ou de mévente, le fournisseur pourrait établir, à son initiative, un avoir au bénéfice du client correspondant à l’écart entre le prix auquel le produit a été acheté par le client et un prix conforme à la situation nouvelle du marché à l’achat, multiplié par le nombre de produits en stock chez le client.
La Cour de cassation approuve à nouveau l’analyse de la Cour d’appel qui a retenu des critères identiques à la clause de protection de stock afin de caractériser la soumission des fournisseurs à un déséquilibre significatif. La Cour prend même le soin d’ajouter que l’un des fournisseurs s’était acquitté de cette clause alors même que son contrat ne la comportait pas formellement !
Cette décision de la Cour de cassation conforte ainsi sa jurisprudence antérieure en vertu de laquelle l’absence de négociation commerciale constitue l’un des critères du déséquilibre significatif.