Au mois de septembre 2020, une alerte de sécurité alimentaire à grande échelle est lancée sur l’ensemble du territoire de l’Union Européenne. La cause de cette alarme est la découverte de résidus d’oxyde d’éthylène, une substance cancérogène, mutagène et toxique, dans des lots de graines de sésame importées d’Inde. Les taux mesurés sont de 1000 à 5000 fois la limite maximale de résidus (LMR) de 0,05mg/kg autorisée au niveau européen. La gravité de cette découverte est renforcée par le fait que le sésame est un ingrédient de nombreuses préparations alimentaires dont certaines ont le label bio. De nombreux produits alimentaires sont alors rappelés et retirés des rayons des magasins européens.
Au mois de février 2021, un rapport d’information n° 368 (2020-2021) de M. Laurent Duplomb, rédigé au nom de la commission des affaires économiques du Sénat, livre une analyse sans appel de cette crise.
Ce rapport tente de répondre à deux questions. Dans un premier temps, comment une substance strictement interdite en matière alimentaire au sein de l’Union Européenne depuis 1991 a-t-elle pu franchir les contrôles sanitaires aux frontières de l’Union ? Puis dans un second temps, le rapport tente de déterminer quelles conséquences il convient de tirer de cette crise sur le terrain de la sécurité alimentaire.
Pour répondre à la première question, le rapport s’appuie sur les constats faits à ce jour par l’enquête des autorités publiques européennes et nationales. L’analyse des lots en cause semble indiquer que les contaminations sont anciennes, puisque les résidus d’oxyde d’éthylène ont été trouvés dans des lots datant de 2018. De plus, les contaminations se sont révélées fréquentes, car les investigations ont montré que les lots contaminés s’ils proviennent en majorité d’Inde, ils sont aussi originaires d’autres pays. De plus, le sésame n’est pas la seule denrée à avoir souffert de la contamination. Plusieurs hypothèses sont considérées comme des pistes plausibles pour expliquer la présence d’oxyde d’éthylène. Les deux principales pistes évoquées sont, à ce jour, celle d’un traitement préventif par fumigation désinfectante afin de réduire d’autres risques comme ceux de la présence de salmonelles ou celle d’un usage du produit en tant que pesticide.
Le rapport pointe ensuite des défaillances multiples des contrôles pour plusieurs raisons, notamment la place trop limitée des inspections aléatoires dans la stratégie de contrôle ce qui contribue à rendre celle-ci trop prévisible et facilite les contournements. De plus, le rapport du Sénat estime que de manière générale, la recherche de certaines substances interdites est insuffisante. En effet, la commission estime que plus de 900 substances nocives et interdites ne font que très rarement l’objet de recherches. Le rapporteur note ainsi que « le système serait plus robuste avec des contrôles aux importations largement accrus ». Il poursuit en soulignant que de tels dysfonctionnements font courir des risques, non seulement, sur la santé du consommateur, mais aussi sur l’économie de l’Union.
Le rapport tente ensuite de définir une stratégie permettant d’éviter une nouvelle crise. Pour cela, il propose un certain nombre de mesures destinées à renforcer la stratégie de contrôle sur les importations de denrées alimentaires. En plus du renforcement des contrôles au niveau national sur le court terme et au niveau européen sur le long terme, le rapport préconise de privilégier, autant que possible, des approvisionnements de matières premières européennes. Le Sénat invite également à renforcer les analyses de risques préalables en établissant et en actualisant régulièrement, au niveau européen ou à défaut, au niveau national, un recensement des risques principaux par famille de denrées alimentaires en collaboration avec tous les opérateurs de la chaine de contrôle. Enfin, le rapport invite à demander à l’Anses de rendre un avis sur l’oxyde d’éthylène pour mieux comprendre les risques liés à ce produit et mieux identifier l’origine des contaminations constatées.
Le rapport fait également une analyse du fonctionnement du dispositif d’information en cas de retraits et de rappels de produits alimentaires. Si ce dernier a, dans l’ensemble, plutôt bien fonctionné, le rapport constate cependant une lisibilité insuffisante en magasin sur les produits concernés ainsi qu’un certain défaut d’information autour des risques sanitaires en cas d’alerte. Pour y remédier, le Sénat propose d’utiliser les nouveaux outils du numérique comme un site spécialisé de retraits et de rappels des produits, des applications mobiles permettant de contrôler la conformité du produit par la lecture du code-barres ou encore la mise en place d’annonces normées de rappels des produits sur tous les canaux de communication y compris les sites de vente en ligne et les réseaux sociaux avec une instance particulière sur la pédagogie autour des risques.
Le rapport conclut en insistant sur le fait que dans cette affaire :
« les défaillances des contrôles officiels sur les denrées alimentaires importées sont trop importantes » et que cette « alerte sur les produits à base de sésame doit servir de leçon ».
Il appelle enfin :
« à sortir de la naïveté et à une plus grande vigilance européenne et française sur les denrées alimentaires importées ».