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Actualité
22/7/14

Projet de loi antiterroriste : la terreur de la censure ?

Le volet numérique du projet de loi antiterroriste présenté ce mercredi 9 juillet en conseil des ministres fait des émules. Il propose en effet de bloquer les sites web faisant l’apologie du terrorisme pour limiter « l’autoradicalisation ».

Le projet de loi énonce que l’article 9 :

« complète les dispositions de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique afin de prévoir la possibilité, pour l’autorité administrative, de demander aux fournisseurs d’accès à internet de bloquer l’accès aux sites provoquant aux actes de terrorisme ou en faisant l’apologie, à l’instar de ce que le législateur a déjà prévu pour les sites pédopornographiques. La régularité de l’établissement de la liste des sites dont l’accès est bloqué est soumise au contrôle d’un magistrat judiciaire. De manière logique, les fournisseurs d’accès sont également astreints à l’obligation de surveillance limitée prévue par la loi du 21 juin 2004 ».

Ce type de mesure avait déjà été débattu au moment de la discussion sur la loi LOPPSI 2 sur la sécurité intérieure.

Les adversaires à un tel blocage invoquent l’inefficacité de telles mesures du fait de la facilité pour un internaute de détourner le filtrage des adresses par les fournisseurs d’accès à internet (il est loisible d’utiliser des outils pour simuler une connexion depuis un autre pays).

Mais surtout la loi va permettre un blocage sans débat judiciaire préalable et sans possibilités de recours clairement établies, ce que la Cour de justice de l’Union européenne , favorable à la protection de la liberté d’expression, pourrait sanctionner.

L’article 4 du projet prévoit également de sortir du périmètre de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse les « délits de provocation aux actes de terrorisme et apologie de ces actes »et d’introduire ces délits « dans le code pénal dans un nouvel article 421-2-5 ».

Il ne s’agira pas « de réprimer des abus de la liberté d’expression (…) mais de sanctionner des faits qui sont directement à l’origine d’actes terroristes ». Cela donnera certes plus de pouvoirs aux enquêteurs, mais créera une différence contestable avec d’autres types de délits, comme l’« apologie de crimes de guerre » ou l’« incitation à la haine raciale ».

Cet article prévoit des sanctions plus élevées lorsque les faits sont commis sur Internet, « pour tenir compte de l’effet démultiplicateur du moyen de communication ».

La notion de terrorisme reste cependant floue : l’article 412-1 du Code pénal établit une liste de crimes et de délits qui sont considérés comme des actes de terrorisme, ces actes devant être commis « intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur ».

Cette qualification est sujette à une interprétation très délicate, faite par la justice au cas par cas.

Or, cette interprétation sera laissée ici à l’exécutif qui établira une liste des sites bloqués, le juge n’étant censé intervenir qu’après le blocage desdits sites.

En résumé, les pouvoirs d’action de l’exécutif contre le terrorisme sur internet sont donc élargis, sans intervention préalable du juge, pourtant gardien des libertés fondamentales, telle la liberté d’expression.

L’Association des services Internet communautaires (ASIC), un groupe d’intérêt regroupant plusieurs entreprises du numérique, a dénoncé dans un communiqué la « réapparition » du blocage sans juge et demandé que « le gouvernement suspende l’adoption de toute nouvelle mesure destinée à instaurer un filtrage des contenus Internet sans un contrôle préalable par un magistrat ».

Pierre DEPREZ / Aurélie BREGOU / Clémentine CARLET
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