C’est moins d’un mois après la publication par la CEPC des recommandations relatives aux conventions uniques dans le secteur de la grande distribution à la suite de la crise sanitaire que la DGGCRF a publié, le 27 juillet 2020, ses lignes directrices sur la prise en compte des « indicateurs » dans la chaîne contractuelle du secteur agroalimentaire.
Établies dans l’optique de rééquilibrer les relations commerciales et de permettre une meilleure répartition de la valeur au long de la chaîne alimentaire, ces lignes directrices ont été présentées par le Gouvernement comme un « nouvel outil » qui devrait contribuer à apaiser le climat des négociations commerciales de contrats relatifs aux produits agricoles et alimentaires dès la fin de l’année 2020.
Depuis la loi « Egalim » du 30 octobre 2018, les professionnels de l’agroalimentaire doivent veiller, lors de la rédaction des clauses de détermination et de révision du prix dans leurs contrats, à prendre en compte :
« un ou plusieurs indicateurs relatifs aux prix des produits agricoles et alimentaires constatés sur le ou les marchés sur lesquels opère l’acheteur et à l’évolution de ces prix ainsi qu’un ou plusieurs indicateurs relatifs aux quantités, à la composition, à la qualité, à l’origine et à la traçabilité des produits ou au respect d’un cahier des charges ».
Article L. 631-24 du Code rural et de la pêche maritime
C’est sur les modalités de prise en compte des indicateurs que les lignes directrices apportent un premier éclairage « dans une logique de sécurité juridique », notamment sur l’emploi à l’article L. 443-4 du Code de commerce du terme « existent » pour désigner ces indicateurs.
Ainsi pour la DGCCRF, ces indicateurs, lorsqu’ils « existent », doivent non seulement figurer dans les conditions générales de vente et autres conventions mentionnées aux articles L. 441-3, L. 441-4, L. 441-7 et L. 443-2 du Code de Commerce, mais doivent aussi être accompagnés d’une explication des conditions dans lesquelles ils ont été choisis par les professionnels.
Pour le choix du type d’indicateur, la DGCCRF considère que sera pris en compte un indicateur qui bénéficie d’une diffusion sur un support facilement accessible par les opérateurs (site internet, contrat avec le producteur, etc.). Elle exclut en revanche la prise en compte d’indicateurs dont la diffusion a été limitée « aux seuls adhérents de l’interprofession ».
L’apport majeur des lignes directrices concerne la définition des indicateurs à prendre en compte dans le cas de produits transformés, à l’origine de nombreux doutes chez les professionnels. Ainsi, la DGCCRF indique que pour les :
« produits alimentaires comportant plusieurs produits agricoles, […] le choix des indicateurs revient aux opérateurs qui sont les mieux placés pour déterminer ceux correspondant le mieux aux produits qu’ils fabriquent, à charge pour ces opérateurs de pouvoir justifier que le choix de ces indicateurs est effectivement pertinent ».
À ce titre, la DGCCRF encourage les opérateurs à ne retenir que les produits agricoles « principaux » dans la composition du produit et « déterminants dans la construction du prix » pour le choix de l’indicateur, qui devra par ailleurs figurer explicitement dans le contrat et pouvoir être justifié.
Afin de préserver les fournisseurs d’une transparence « excessive » sur la détermination de leurs prix et de garantir la confidentialité de leurs stratégies industrielles, la DGCCRF vient également annihiler les prétentions des distributeurs qui voudraient obtenir le détail des formules de prix et des coûts de production de leurs fournisseurs. Elle précise donc que ces derniers sont uniquement tenus de justifier de la pertinence de leurs indicateurs au regard de l’exigence de juste répartition de valeur tout au long de la chaîne alimentaire.
Enfin, les lignes directrices apportent quelques précisions sur la mise en œuvre de la règlementation « Egalim » dans le cadre de contrats commerciaux internationaux, rappelant que le caractère de loi de police que revêtent les articles L. 631-24 du Code rural et de la pêche maritime et L. 443-4 du Code de commerce rend les dispositions précitées applicables « à toute situation présentant des éléments de rattachement au territoire français », sous réserve de quelques exceptions.
La publication de ces lignes directrices a été saluée par les acteurs du secteur agroalimentaire, d’autant plus que la DGCCRF a indiqué que ces lignes directrices pourront être complétées « à la lumière des enquêtes en cours » et donc des pratiques constatées sur le terrain par ses agents.
Espérons que les précisions apportées dans ce document permettront aux professionnels de se mettre en conformité et d’éviter les amendes dont le montant maximum est de 75 000 € pour une personne physique et de 375 000 € pour une personne morale.