Par une décision du 8 novembre 2024, le Conseil d’État (ci-après « Conseil ») a annulé le décret n° 2023-478 du 20 juin 2023 (ci-après « Décret »), qui imposait la présentation à la vente des fruits et légumes frais non transformés sans conditionnement composé, même partiellement, de matière plastique. Ce texte, pris en application de l’article 77 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (dite loi AGEC), visait à réduire les déchets plastiques dans un objectif environnemental.
Ce Décret a été contesté devant le Conseil par deux syndicats professionnels, Plastalliance et Elipso, qui ont introduit un recours pour excès de pouvoir. Les requérants soutenaient que ce Décret méconnaissait les règles européennes, notamment l’article 5 de la directive (UE) 2015/1535 (ci-après la "Directive"), car il aurait dû faire l’objet d’une notification préalable à la Commission européenne.
Étant qualifié de règle technique, cet acte est soumis à la procédure de notification préalable auprès de la Commission européenne, conformément à l'article 5 de la Directive. Cette procédure vise à prévenir les entraves au commerce intra-européen en instaurant une concertation entre les États membres et les institutions européennes.
Le Conseil a relevé que le Décret avait été adopté en méconnaissance des obligations de notification préalable imposées par l’article 5 de la Directive.
En l’espèce, en décembre 2022, le gouvernement français avait notifié le projet de Décret à la Commission, qui avait demandé de reporter son adoption jusqu’à décembre 2023, estimant qu’il interagissait avec une proposition de règlement européen sur les emballages. Malgré cette demande, le Décret a été adopté prématurément en juin 2023.
Le Conseil rappelle que, selon la jurisprudence de la Cour de justice européenne, notamment l’arrêt Papier Mettler Italia Srl du 21 décembre 2023 (C-86/22), « le non-respect des articles 5 et 6 de la directive 2015/1535 […] constitue un vice substantiel dès lors que l’adoption et la publication d’une règle technique […] sont susceptibles de créer des entraves aux échanges contraires aux traités européens » (cf. point 5 du Décret).
Il précise également que « le décret attaqué est entaché, du fait de son adoption avant l’expiration de la période de report mentionnée ci-dessus, d’un vice substantiel justifiant son annulation » (cf. point 7 du Décret).
En s’appuyant sur cette jurisprudence, le Conseil retient que le non-respect des périodes de report prévues par la Directive constitue un vice substantiel. Ce manquement, susceptible de compromettre le libre-échange au sein du marché intérieur, entraîne l’invalidité juridique de la règle technique adoptée.
Le Conseil conclut que le Décret méconnaît le droit européen et qu’il n’a pas été démontré que cette adoption prématurée respectait l’une des exceptions prévues par la directive, notamment en cas d’urgence (cf. point 6 du Décret).
Il a également rejeté l’argument selon lequel l’écoulement des stocks d’emballages jusqu’au 31 décembre 2023 aurait pu régulariser l’illégalité du texte, considérant cette disposition sans incidence. En conséquence, le Conseil annule le Décret pour excès de pouvoir.
Cette décision illustre l’importance du respect des procédures européennes pour garantir la compatibilité des législations nationales avec les règles communautaires. Elle suspend l’interdiction des emballages plastiques pour les fruits et légumes frais, dans l’attente d’une éventuelle réforme réglementaire conforme au droit de l’Union européenne.