La Chambre commerciale de la Cour de cassation, dans un arrêt en date du 10 février 20151, vient d’étendre aux SMS, sa jurisprudence applicable en matière de courriels.
Dans ce litige, opposant deux sociétés de courtage d’instruments financiers, dans le cadre duquel une société reprochait à l’autre d’avoir provoqué une désorganisation de son entreprise par un débauchage massif d’un grand nombre de ses salariés, la Cour de cassation a admis comme moyen de preuve, la production de SMS découverts sur les téléphones professionnels d’anciens employés débauchés par un concurrent.
En 2007, la Cour de cassation avait déjà admis la recevabilité des SMS comme mode de preuve, leur auteur ne pouvant ignorer qu’ils sont enregistrés sur l’appareil récepteur2.
Désormais, la Chambre commerciale affirme le principe selon lequel :
« les messages écrits (« short message service » ou SMS) envoyés ou reçus par le salarié au moyen du téléphone mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel, en sorte que l’employeur est en droit de les consulter en dehors de la présence de l’intéressé, sauf s’ils sont identifiés comme étant personnels ».
Cet arrêt s’inscrit dans le droit fil de la tendance de la Cour de cassation sur la question.
En effet, la Chambre sociale a déjà pu préciser le régime applicable au contrôle des courriels reçus ou envoyés par un salarié au moyen de sa messagerie professionnelle et il est désormais bien établi que le principe est le suivant : les courriels adressés et reçus par les salariés à l’aide de l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur, pour les besoins de son travail, sont présumés avoir un caractère professionnel, de sorte que l’employeur peut les consulter librement, et en dehors de la présence de l’intéressé, sauf s’ils sont identifiés comme personnels. Ce principe a été affirmé également pour le contrôle des fichiers informatiques enregistrés sur l’ordinateur de travail du salarié ou encore, sur une clé USB connectée à l’ordinateur professionnel.
S’ajoute donc à cette liste, non exhaustive, le SMS envoyé par le salarié via son téléphone portable mis à sa disposition par l’employeur.
Précisons que dans cet arrêt, rendu après avis de la Chambre sociale de la Cour de cassation, la Cour a écarté l’argument avancé par l’une des sociétés selon lequel rien ne pouvait permettre aux salariés d’indiquer que le contenu du SMS était de nature privée. Celle-ci arguait d’une impossibilité matérielle puisqu’en effet aucun champ « objet » n’apparaissait sur le téléphone. Ne statuant pas sur cette impossibilité, la haute juridiction retient donc simplement que le salarié aurait dû préciser, comme pour les mails, que la correspondance avait un caractère privé de sorte que celle-ci soit protégée par le secret des correspondances. Il en résulte que « la production en justice des messages n’ayant pas été identifiés comme étant personnels par le salarié ne constitue pas un procédé déloyal ».
Il faut donc que le salarié mentionne « personnel » ou « privé » au début du message ou encore qu’il regroupe ses SMS privés dans un dossier créé à cet effet.
Rappelons à ce sujet que la Cour de cassation autorise la création d’un tel dossier à condition que son titre soit suffisamment clair et non équivoque. Elle avait jugé, à propos de dossiers contenus sur l’ordinateur professionnel d’un salarié, que la seule dénomination « mes documents » ne suffisait pas3.
Enfin, cette solution récente est à rapprocher de celle rendue par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 28 septembre 20114 dans laquelle elle a jugé que le message envoyé au temps et au lieu de travail à l’aide d’un téléphone professionnel est présumé avoir un caractère professionnel de sorte que l’employeur peut le consulter librement et l’invoquer à l’appui d’une sanction disciplinaire. Ceci dès lors que le contenu est en rapport avec l’activité professionnelle et ne relève pas uniquement de la sphère privée.
Telle est donc la limite posée par les juges lorsqu’est en cause une conversation, écrite ou vocale, reçue par le salarié sur son téléphone professionnel.
1 Cass. com., 10 févr. 2015, n°13-14.779
2 Cass. soc., 23 mai 2007, n°06-43.209
3 Cass. soc., 10 mai 2012, n°11-13.884
4 Cass. soc., 28 sept. 2011, n°10-16.995