Lors de son audition, le 29 février 2024, par la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes du Sénat présidée par la sénatrice Dominique Vérien, Judith Godrèche a demandé que soit rendue obligatoire la présence sur les lieux de tournage d’un « référent » auprès de l’enfant mineur. Un référent « neutre » qui ne dépende pas du réalisateur ou de la production.
Rachida Dati, ministre de la Culture, semble l’avoir entendue. Le 18 mai 2024, au Festival de Cannes, elle a annoncé que la présence d’un « responsable enfants » serait désormais requise sur les tournages impliquant des mineurs.
Il faut savoir qu’en France, le travail des mineurs de moins de 16 ans dans le spectacle est soumis à un régime d’autorisation individuelle prévu par les articles L.7124-1 et suivants du Code du travail1.
Par ailleurs, il existe, notamment dans les conventions collectives de la production cinématographique et de la production audiovisuelle, l’emploi-repère de « Responsable des enfants » chargé de surveiller, préparer à leur rôle, encadrer les enfants et, le cas échéant, assurer leur suivi scolaire.
Mais le dispositif souhaité par Judith Godrèche et envisagé par Rachida Dati serait à première vue d’une tout autre nature.
Il s’agirait d’une personne indépendante de la production (qui ne serait pas placée sous sa subordination), assurant en permanence la responsabilité de l’enfant et formée à cette fin. La présence de ce « responsable enfants » serait indépendante de la présence, toujours possible mais rarement permanente, des parents ou titulaires de l’autorité parentale sur le tournage.
Ce qui est ainsi envisagé rappelle le dispositif qui existe depuis 2014 en Angleterre sous le nom de « chaperon ».
En Angleterre, lorsqu’un producteur envisage d’engager un enfant, il doit requérir une autorisation de travail qui est prévue par les Children And Young Persons Acts de 1933, 1963 et 2014.
Ce régime d’autorisation est assez comparable au régime d’autorisation individuelle prévu, en France, par le Code du travail.
Il s’applique, selon le Children (Performances and Activities) (England) Regulations 2014 No. 3309 entré en vigueur le 6 février 2015, aux enfants qui participent à un spectacle vivant (comédie musicale par exemple), à une émission de télévision ou de radio, à un tournage de film cinéma etc… à un spectacle sportif ou à une activité de mannequinat.
Mais une telle autorisation individuelle est conditionnée par la présence d’un « chaperon » aux côtés de l’enfant.
Le Children (Performances and Activities) (England) Regulations 2014 dispose en effet que l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation individuelle de travailler de l’enfant doit approuver également la désignation d'une personne en tant que « chaperon », sauf s’il est pris en charge par un parent.
Ce « chaperon » est chargé d’assurer la garde et la surveillance de l'enfant, de sauvegarder, soutenir et promouvoir le bien-être de l'enfant, lorsque l'enfant participe à une activité, un spectacle ou une répétition ou lorsqu'il vit en dehors de son domicile habituel pendant la période durant laquelle l'autorisation de travailler s'applique.
Ce chaperon est un professionnel dont les compétences et la moralité sont attestées et qui peut prendre en charge en même temps plusieurs enfants.
Un tel dispositif s’il était créé, serait compatible avec le régime d’autorisation individuelle prévu par les articles L.7124-1 et suivants du Code du travail qui dispose que l’autorisation individuelle ne peut en effet être accordée que sur avis conforme d'une commission dite « commission des enfants du spectacle ». On comprend également qu’il conditionnerait les aides du CNC.
1 Enfant influenceur : le contrôle parental sous contrôle de l’administration, du juge, des plateformes de partage de vidéos, du CSA… et de l’enfant, décembre 2020, Légipresse (Dalloz).