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Actualité
2/7/14

La cause dans les contrats… de propriété intellectuelle - dernier tour d’honneur avant disparition

1. Droit de la propriété intellectuelle et droit commun (en projet de révision)

Le droit de la propriété intellectuelle trouve souvent des solutions dans le droit commun, comme le montre cette forte intéressante décision de la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 18 mars 20141, même si ce droit commun est amené à être profondément modifié avec le projet de réforme du droit des contrats présenté à la fin 2013 par le Ministre de la justice. Une occasion de faire le point sur cette question.

2. L’arrêt de la Cour de cassation (chambre commerciale) du 18 mars 2014 : une simple affaire de redevance de licence de marque

La société Les Complices a concédé à la société Yangtzekiang une licence d’exploitation de sa marque « Les Complices » en contrepartie d’une redevance annuelle calculée par un pourcentage sur le chiffre d’affaires, avec minima. N’ayant pas reçu paiement des redevances convenues, la société   Les Complices a obtenu une ordonnance d’injonction de payer à laquelle la société Yang a fait opposition. La société Yangtzekiang est condamnée par les juges du fond à payer à la société Les complices différentes sommes. Devant la Cour de cassation, l’auteur du pourvoi fait valoir que :

« l’évolution des circonstances économiques peut déséquilibrer l’économie générale du contrat tel que voulu par les parties et priver de contrepartie réelle l’engagement de l’une d’elles qui devient caduc ».

Sans succès.

La chambre commerciale souligne en effet, dans une formule impeccable, que :

« la cause de l’obligation constituant une condition de la formation du contrat, la cour d’appel, appréciant souverainement la volonté des parties, a considéré que celle-ci résidait dans la mise à disposition de la marque et non dans la rentabilité du contrat ».

3. Le précédent de l’arrêt du club –vidéo. Haro sur la cause assimilée à l’économie du contrat !

La société Yangtzkiang tentait en réalité d’exploiter cette ancienne décision de la première chambre civile de la Cour de cassation du 3 juillet 1996 ayant jugé, à propos de la création d’un point club vidéo qui ne s’était pas révélé rentable, que :

« s’agissant de la location de cassettes pour l’exploitation d’un commerce, l’exécution du contrat selon l’économie voulue par les parties était impossible, la cour d’appel en a exactement déduit que le contrat était dépourvu de cause, dès lors qu’était ainsi constaté le défaut de toute contrepartie réelle à l’obligation de payer le prix de location des cassettes, souscrite par M. et Mme Piller dans le cadre de la convention de création d’un point »2.

Cet arrêt qui tentait de manière bien audacieuse de sortir la cause de son ghetto juridique n’a jamais été reproduit. Il fut l’un des exemples, maintes fois cité, pour montrer que le concept de cause était trop imprécis pour être maintenu dans notre système juridique. Et de fait, l’on sait que la cause disparait dans ce projet de réforme du droit des contrats.

La cause est entendue ! L’on peut le regretter en considérant cet exemple.

La cause objective qui s’attache à l’obligation créée par le contrat est en effet simple à appréhender. Dans le contrat de vente, l’obligation de l’acheteur de payer le prix trouve sa cause dans l’obligation du vendeur de transférer la propriété de la chose. Dans ce contrat de licence, l’obligation de paiement du licencié était causée par la mise à disposition de la marque. Cette cause devant s’apprécier nécessairement au moment de la formation du contrat. Entendue ainsi, la cause n’est en rien une source d’insécurité juridique.

4. Et demain ? Obligation de renégocier le contrat déséquilibré

Elle va pourtant disparaître et renaître sous différentes formes. L’une d’entre elles doit être soulignée car elle aurait peut être permis de régler la difficulté au cœur de cette affaire.

Dans l’article 104 du projet de réforme, le contractant qui se trouve en situation de faiblesse lors de l’exécution du contrat, parce que ses intérêts légitimes sont bouleversés par la survenance d’un changement imprévisible de circonstances, est protégé par le devoir de bonne foi qui impose à son partenaire de prendre en considération ses difficultés et de renégocier loyalement le contrat, en vue de sa révision, même si celle-ci échoue finalement.

Cette règle découle d’un autre arrêt de la Cour de cassation en date du 3 novembre 19923. Cette obligation de renégocier qui est imposée par la bonne foi n’aboutit pas automatiquement à la révision judiciaire du contrat. Elle invite juste les parties à se rapprocher en l’absence de clause de hardship. Chose à laquelle s’était certainement refusé le titulaire de la marque.

Jean-Michel BRUGUIERE

1 Cass. com. 18 mars 2014 n° 12-29453

2 Cass. civ 1° 3 juillet 1996 n°94-14800

3 Com. 3 nov. 1992, n° 90-18.547

Image par Free-Photos de Pixabay
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