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Actualité
1/12/24

Étiquetage des denrées alimentaires : la Commission constate que les « consommateurs [sont] parfois perdus dans la jungle des informations »

Le 25 septembre 2024, la Cour des comptes européenne (ci-après la « Cour ») a adopté son rapport spécial 23/2024 sur l’étiquetage des denrées alimentaires dans l’Union européenne. A cette occasion, elle relève qu’il existe d’importantes lacunes dans le cadre juridique de l’Union ainsi que des faiblesses au niveau du suivi, de la communication d’informations, des systèmes de contrôle et des sanctions. De ce fait, les « consommateurs [sont] parfois déroutés par la masse d’informations » ou induits en erreur par des étiquettes qu’ils ne comprennent pas toujours. 

Afin d’y remédier, le rapport de la Cour formule plusieurs recommandations à destination de la Commission européenne (ci-après la « Commission »). 

Combler les lacunes du cadre juridique de l’UE relatif à l’étiquetage des denrées alimentaires

Pour rappel, le Règlement (UE) n° 1169/2011 (dit « règlement ICDA ») définit les informations essentielles devant figurer sur les étiquettes des denrées alimentaires au niveau européen. Ce règlement est complété par le Règlement (UE) 1924/2006 sur les allégations nutritionnelles et de santé, ainsi que par les règles verticales de l’Union qui précisent les exigences spécifiques à certains produits alimentaires. 

La Cour constate que, globalement, le cadre juridique de l’Union européenne permet aux consommateurs de trouver sur les étiquettes les informations essentielles dont ils ont besoin pour prendre leurs décisions d’achat en meilleure connaissance de cause. Cependant, elle relève également que l’absence de règlementation européenne dans certains domaines crée des lacunes. Celles-ci sont notamment dues à l’inaction de la Commission, puisqu’en vertu des règlements suscités elle aurait dû mener 11 mises à jour du cadre juridique de l’Union concernant l’étiquetage des denrées alimentaires. Or, en septembre 2024, elle n’en avait achevé que quatre. De ce fait, le rapport relève par exemple :

  • L’absence de liste des allégations de santé portant sur les produits botaniques autorisées par l’UE ;
  • L’absence d’harmonisation des règles en matière d’étiquetage préventif des allergènes ;
  • L’absence de règles européennes concernant les labels végétariens et végétaliens ;
  • L’insuffisance des règles de l’Union en matière de lisibilité des étiquettes ;
  • Etc.

C’est pourquoi la Cour invite la Commission à engager « de toute urgence les actions en attente prévues dans le règlement ICDA et dans celui sur les allégations », et en particulier en ce qui concerne les allégations botaniques ainsi que l’étiquetage préventif des allergènes. 

Approfondir l’analyse des pratiques en matière d’étiquetage

La Cour retient que, dans leur recherche de nouveaux moyens pour attirer les consommateurs, les entreprises du secteur alimentaire mettent parfois en œuvre des pratiques déroutantes ou trompeuses (omission d’informations, mention de qualités non certifiées, etc.). Ces pratiques peuvent inciter les consommateurs à acheter des produits annoncés comme étant plus sains ou de meilleure qualité qu’ils ne le sont en réalité. Cependant, elle considère ainsi que le cadre juridique de l’Union européenne ne fournit pas une base suffisamment claire pour empêcher de telles pratiques d’étiquetage. 

En conséquence, la Cour recommande à la Commission d’analyser proactivement et régulièrement les pratiques en matière d’étiquetage auxquelles les consommateurs sont exposés et d’améliorer, en collaboration avec les États membres, les orientations à l’intention des entreprises du secteur alimentaire.

Vérifier quelles sont les attentes des consommateurs et prendre des mesures afin qu’ils puissent mieux comprendre l’étiquetage des denrées alimentaires

La Cour relève que les consommateurs trouvent parfois le système d’étiquetage des denrées alimentaires de l’Union compliqué. De surplus, ils ne comprennent pas toujours les étiquettes, dont les informations obligatoires qui y figurent, comme la date de consommation (par exemple la différence entre « date limite de consommation » et « à consommer de préférence avant le […] »).

Le rapport établit également que l’étiquetage des denrées alimentaires pourrait être beaucoup plus facile à comprendre par des consommateurs mieux formés. Or, il semblerait que les Etats membres et la Commission allouent trop peu de ressources aux campagnes d’information destinées aux consommateurs et ne vérifient pas régulièrement quels sont leurs besoins, ou même s’ils comprennent les étiquettes figurant sur les denrées alimentaires préemballées.

C’est pourquoi la Cour recommande à la Commission de vérifier systématiquement, en concertation avec les Etats membres, quels sont les besoins des consommateurs et s’ils comprennent les étiquettes des denrées alimentaires. Elle lui recommande également de soutenir les efforts déployés par les États membres pour que l’étiquetage des denrées alimentaires soit mieux compris par les consommateurs.

Renforcer les contrôles auxquels les États membres doivent soumettre les labels volontaires et le commerce de détail en ligne

Le rapport établit que les contrôles des éléments obligatoires de l’étiquetage des denrées alimentaires par les autorités des Etats membres se déroulent de manière satisfaisante. Mais, à l’inverse, les contrôles des informations facultatives seraient rares, voire inexistants. En outre, les consommateurs ne disposeraient pas des moyens de faire la distinction entre les informations obligatoires soigneusement vérifiées et les informations facultatives plus ou moins fiables. 

D’une manière générale, la Cour considère que les systèmes de contrôle établis par les Etats membres afin de veiller au respect des règles en matière d’étiquetage des denrées alimentaires manquent parfois d’efficience du fait de leur complexité. De plus, elle relève que la coordination des contrôles entre les autorités des différents Etats membres pourrait être améliorée et que les amendes prononcées en cas d’infraction aux règles d’étiquetage ne sont pas toujours dissuasives, efficaces et proportionnées. 

Du côté de la vente de denrées alimentaires en ligne, il établit que les ventes effectuées par l’intermédiaire de sites internet enregistrés dans l’UE sont difficiles à contrôler, et qu’il est presque impossible de les contrôler lorsque les sites sont hébergés dans des pays tiers. 

La Cour recommande donc à la Commission d’encourager les États membres à renforcer les contrôles auxquels ils doivent soumettre les labels volontaires et le commerce de détail en ligne en fournissant des orientations et des exemples de bonnes pratiques. 

Améliorer la communication d’informations sur l’étiquetage des denrées alimentaires

La Cour relève que le rapport de synthèse établi chaque année par la Commission destiné à informer le public des contrôles officiels de l’étiquetage des denrées alimentaires et l’application en ligne du système d’alerte rapide pour les denrées alimentaires et les aliments pour animaux présentent des lacunes. De ce fait, il est difficile pour le consommateur de les utiliser afin de s’informer sur les problèmes liés à la sécurité alimentaire et de modifier ses habitudes d’achat en conséquence. 

C’est pourquoi la Cour recommande notamment à la Commission d’accroître le partage d’informations sur les problèmes d’étiquetage des denrées alimentaires avec le public.  

Le 29 octobre 2024, la Commission européenne a publié ses réponses au rapport spécial de la Cour des comptes. Elle constate effectivement que les « consommateurs [sont] parfois perdus dans la jungle des informations » sur les étiquettes des denrées alimentaires préemballées et accepte de suivre l’ensemble des recommandations formulées par la Cour des comptes européennes. Si la Commission respecte ses engagements, elle devrait appliquer l’ensemble de ces mesures d’ici fin 2027. Affaire à suivre, donc.

Jean-Christophe ANDRÉ / Julien DUMILIEU
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