Au terme d’une longue d’une saga judiciaire, la Cour de cassation a, le 22 janvier dernier, confirmé que le statut dérogatoire de l’INA ne porte pas atteinte aux droits voisins des artistes-interprètes.
L’INA avait été assignée par les ayants-droit d’un artiste interprète de jazz pour avoir exploité sur son site internet sans leur autorisation des images contenant les prestations dudit artiste interprète, au motif que cette exploitation intervenait sans leur autorisation, en violation du droit exclusif de l’artiste. L’INA avait opposé à cette prétention sa mission de conservation du patrimoine audiovisuel résultant de l’article 49 II de la Loi sur l’audiovisuel, et les ayants droits avaient été déboutés par les juges du fond.
Par un arrêt du 11 juillet 2018, la Cour de cassation avait alors posé une question préjudicielle à la CJUE pour déterminer si ce régime ad hoc était conforme aux droits des artistes visés aux articles 2, sous b), 3, § 2, sous a), et 5 de la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001.
Le 14 novembre 2019, la CJUE avait considéré que les dispositions précitées de la directive ne s’opposent pas à une législation nationale qui établit, en matière d’exploitation d’archives audiovisuelles par une institution désignée à cette fin, une présomption réfragable d’autorisation de l’artiste-interprète à la fixation ainsi qu’à l’exploitation de sa prestation, lorsque cet artiste-interprète participe à l’enregistrement d’une œuvre audiovisuelle aux fins de sa radiodiffusion.
La messe était dite, et fort logiquement, dans son arrêt du 22 janvier dernier la Cour de cassation considère qu’en : « exonérant l’INA de prouver par un écrit l’autorisation donnée par l’artiste-interprète, l’article 49, II, de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, ne supprime pas l’exigence de ce consentement mais instaure une présomption simple d’autorisation qui peut être combattue, sans remettre en cause le droit exclusif de l’artiste-interprète d’autoriser ou d’interdire la reproduction de sa prestation ainsi que sa communication au public et sa mise à la disposition du public » et en conséquence rejeté le pourvoi en cassation.
Bien qu’adoubée par les plus hautes juridictions, cette solution ne convainc pas totalement.
Présumer d’une autorisation, alors que bien souvent s’agissant d’images d’archives l’artiste n’est plus là pour la contester, c’est aller loin dans l’interprétation de ses intentions, et finalement réduire à peau de chagrin l’exercice du droit exclusif dans le contexte des archives.
On ne peut que rapprocher cette solution de celle que le législateur avait pu proposer pour les œuvres indisponibles, qui reposait là aussi sur un mécanisme de présomption de cession, mais avait été censuré par la CJUE en 2016.