Le décret n°2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures nécessaires pour faire face à l’épidémie de la COVID 19 dans le cadre de l’état d’urgence instauré depuis mars dernier, nous plonge à nouveau dans un confinement. Les cocontractants ne manqueront pas de s’interroger : ce reconfinement est-il susceptible de constituer un nouveau cas de force majeure (sous la forme du « fait du prince », s’agissant de décisions politiques et non du phénomène sanitaire lui-même), avec tous les effets de droit qui s’attachent à cette notion décidément très actuelle, dans le contexte de cette crise exceptionnelle ?
Rappelons que l’article 1218 du Code civil précise qu’ :
« Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait pas être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur ».
L’imprévisibilité de l’événement au moment de la signature du contrat et l’irrésistibilité de l’événement dans sa survenance et ses effets, critères de la force majeure, seront analysés avec une attention particulière dans le contexte du nouveau confinement. Ce reconfinement était-il prévisible au moment de la conclusion du contrat, et rend-il impossible, de manière absolue, la réalisation d’une obligation contractuelle ?
S’agissant du caractère imprévisible requis pour la force majeure, plusieurs hypothèses peuvent être envisagées en fonction de la date de signature du contrat.
Pour les contrats renouvelés tacitement entre les deux confinements, donc entre le 11 mai 2020 et le 29 octobre 2020, la question pourrait être plus complexe.
En effet, le renouvellement d’un contrat suppose la formation d’un nouveau contrat, généralement aux mêmes conditions que le contrat initial, mais il est possible de renouveler un contrat à des conditions différentes, s’agissant d’un nouveau contrat. Qui dit nouveau contrat, dit nouvelle date de signature, et donc nouvelle date à laquelle la prévisibilité de l’événement susceptible de constituer un cas de force majeure peut être évaluée. Au même titre que pour les contrats conclus entre les deux confinements, les évènements liés à la crise sanitaire survenus dans le cadre des contrats renouvelés tacitement entre le 11 mai 2020 et le 29 octobre 2020 pourrait avoir perdu tout caractère imprévisible, ce qui ferait obstacle à l’invocation de la force majeure.
L’irrésistibilité de l’événement de force majeure, tant dans sa survenance, que dans ses effets doit quant à elle être appréciée au moment de la survenance de l’événement. La date de signature des contrats sera donc indifférente. L’irrésistibilité devrait donc s’apprécier à partir de la date de début du deuxième confinement, donc du 29 octobre 2020. Cette irrésistibilité devra être évaluée au cas par cas, en fonction du secteur économique concerné, des particularités contractuelles, de la nature de l’obligation affectée, etc. et au regard des mesures mises en place par le gouvernement, globalement plus souples que celles du premier confinement, puisqu’il ne s’agit pas d’un l’arrêt complet de l’activité économique. Ces mesures énoncées au décret n°2020-1310 du 29 octobre 2020 imposeront donc une évaluation au cas par cas pour apprécier le caractère absolu de l’impossibilité d’exécuter le contrat.
L’exception de force majeure risque donc d’être plus difficile à invoquer dans le cadre de ce reconfinement que dans celui du confinement initial, les conditions d’imprévisibilité et d’irrésistibilité étant plus désormais plus difficiles à démontrer par le cocontractant qui souhaiterait invoquer cette exception pour suspendre temporairement ou définitivement ses obligations.
Cela confirme, si besoin était, l’intérêt qu’auront les cocontractants à adapter leurs contrats en cours dans le cadre de négociations de bonne foi, pour prendre en compte la nouvelle situation économique créer par ce contexte sanitaire exceptionnel.