L’ordonnance n°2016-1635 du 1er décembre 2016 renforçant le dispositif français de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, transposant la Directive anti-blanchiment n° 2015/849 du 20 mai 2015, et l’article 139 de la loi n°2016-1691, dite « loi Sapin II », du 9 décembre 2016 ont institué une nouvelle obligation imposant aux sociétés et autres entités tenues de s’immatriculer au Registre du commerce et des sociétés d’identifier leur(s) bénéficiaire(s) effectif(s) et d’en communiquer l’identité au greffe du tribunal de commerce.
Le décret n°2017-1094 du 12 juin 2017 relatif au registre des bénéficiaires effectifs est venu préciser les modalités de fonctionnement de ce registre et régler la question de l’application des deux régimes concurrents prévus par l’ordonnance du 1er décembre 2016 et par la loi Sapin II. En effet, le décret du 12 juin 2017 renvoie uniquement à l’ordonnance du 1er décembre 2016, désormais seule applicable.
Le bénéficiaire effectif est défini par le Code Monétaire et Financier en son article L. 561-2-2 comme « là ou les personnes physiques : 1° soit qui contrôlent en dernier lieu, directement ou indirectement, le client ; 2° soit pour laquelle une opération est exécutée ou une activité exercée ».
L’article R.561-1 du Code monétaire et financier précise :
« Lorsque le client d’une des personnes mentionnées à l’article L. 561-2 est une société, on entend par bénéficiaire effectif de l’opération la ou les personnes physiques qui soit détiennent, directement ou indirectement, plus de 25 % du capital ou des droits de vote de la société, soit exercent, par tout autre moyen, un pouvoir de contrôle sur les organes de gestion, d’administration ou de direction de la société ou sur l’assemblée générale de ses associés ».
L’article R.561-1 susvisé devrait être prochainement modifié et définir le bénéficiaire effectif comme la ou les personnes physiques qui :
Sont concernées, les sociétés et entités juridiques mentionnées aux 2°, 3° et 5° du I de l’article L. 123-1 du code de commerce (C. Com., art. L.123-1, « 2° les sociétés et groupements d’intérêt économique ayant leur siège dans un département français et jouissant de la personnalité morale ; 3° les sociétés commerciales dont le siège est situé hors d’un département français et qui ont un établissement dans l’un de ces départements ; […] 5° les autres personnes morales dont l’immatriculation est prévue par les dispositions législatives ou réglementaires ») autres que les sociétés dont les titres sont admis à la négociation sur un marché réglementé en France ou dans un autre État membre, et établies sur le territoire français conformément à l’article L. 123-11 du même code.
Depuis le 1er août, toutes les nouvelles entités en cours d’immatriculation au greffe seront tenues de déclarer leur(s) « bénéficiaire(s) effectif(s) » auprès du Registre du commerce et des sociétés.
En vertu du nouvel article R561-55 du Code monétaire et financier, ces entités doivent déposer auprès du greffe du Tribunal de commerce un document relatif au bénéficiaire effectif, lequel doit être annexé au registre du commerce et des sociétés lors de la demande d’immatriculation à ce registre (article R561-55 du Code monétaire et financier) ou au plus tard dans un délai de 15 jours à compter de la délivrance du récépissé de dépôt de dossier de création d’entreprise (coût de la formalité lors du premier dépôt : 24,71 euros, coût de la formalité lors du premier dépôt pour les personnes morales immatriculées avant le 1er août 2017 : 54,32 euros).
Un dépôt de tout nouveau document doit être effectué dans un délai de 30 jours suivant tout fait ou acte rendant nécessaire la rectification ou le complément des informations qui y sont mentionnées (coût de la formalité modificative et complémentaire : 48,39 euros).
Parallèlement, l’article L561-48 du Code monétaire et financier prévoit une procédure d’injonction selon laquelle « le Président du tribunal, d’office ou sur requête du procureur de la République ou de toute personne justifiant y avoir un intérêt, peut enjoindre, aux besoins sous astreinte, à toute société ou entité juridique de procéder ou faire procéder aux dépôts de pièces relatifs aux bénéficiaires effectifs auxquels elle est tenue ».
À compter du 1er avril 2018, cette obligation s’étendra à toutes les entités immatriculées avant le 1er aout 2017.
Le fait de ne pas déposer au registre du commerce et des sociétés le document relatif au bénéficiaire effectif requis en application du deuxième alinéa de l’article L. 561-46 ou de déposer un document comportant des informations inexactes ou incomplètes est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 € d’amende, pour la personne physique déclarée coupable de l’infraction et la personne morale déclarée pénalement responsable (art. L.561-49). Des peines complémentaires sont prévues pour les personnes physiques et morales.
Sur la forme, le document doit être daté et signé par la société ou l’entité juridique qui procède au dépôt.
Sur le fond, certaines d’informations doivent être mentionnées :
Le site des greffes des tribunaux de commerce a mis en ligne un modèle de « document relatif au bénéficiaire effectif d’une société », lequel semble d’ores et déjà intégrer la future version de l’article R.561-1 du Code monétaire et financier.
Les informations transmises demeureront confidentielles, sauf exception.
En vertu des articles L561-46, R561-57 à R561-59 du Code monétaire et financier, le document ne peut être communiqué qu’aux personnes suivantes :
Quelques interrogations demeurent quant à la mise en place de ce nouveau dispositif, notamment s’agissant de la définition de contrôle et de l’hypothèse où plusieurs personnes physiques détiendraient plus de 25% du capital.
Quoi qu’il en soit, l’ensemble des sociétés immatriculées devront régulariser leur situation d’ici le 1er avril 2018.