Dans un jugement en date du 9 février 2023 le tribunal de commerce de Paris a condamné la société BOUYGUES TELECOM (BOUYGUES) sur le fondement de la concurrence déloyale à payer la société FREE MOBILE (FREE) la somme de 308 000 000 euros.
En l’espèce la société BOUYGUES est un opérateur de communication présentant des offres de forfait mobile. La première offre « SIM-only » inclut uniquement un abonnement à un forfait mobile. La seconde offre « avantageuse » ou « subventionnée » proposée à un tarif beaucoup plus élevé inclut un forfait mobile ainsi que la vente d’un terminal (un téléphone mobile) avec engagement de 24 mois. Free soutient que ces offres « avantageuses » comprennent en réalité et sans en informer le consommateur un étalement du prix du terminal en plus du prix du forfait mobile.
La Cour de cassation a eu l’opportunité de juger dans une autre affaire le 7 mars 2018 que les offres presque similaires de SFR de contrats d’opération de crédit, emportent l’obligation de respecter le formalisme du code de la consommation visant à informer et protéger les consommateurs.
FREE soutient que BOUYGUES a violé ces obligations légales et a commis des pratiques commerciales trompeuses entre le 30 septembre 2014 et le 12 septembre 2021. FREE soutient que ces pratiques lui auraient causé un préjudice matériel et moral.
Le tribunal rappelle que les règles de protection des consommateurs en matière de crédit à la consommation sont d’ordre public. L’article L. 311-1 6° du Code de la consommation qui a transposé la directive 2008/48/CE définit l’opération de crédit comme :
« [une] opération ou un contrat par lequel un prêteur consent à un crédit sous la forme d’un délai de paiement, d’un prêt, y compris sous forme de découvert ou de toute autre facilité de paiement similaire ».
Les offres de crédit à la consommation doivent indiquer plusieurs informations essentielles telles que le taux débiteur et le taux annuel effectif global.
La Cour de cassation a eu l’opportunité de déterminer les critères d’analyse d’un crédit au sens du 6° de l’article L. 311-1 du code de la consommation en affirmant que c’est au juge de déterminer si le report du prix d’achat du mobile sur le prix de l’abonnement ne se justifie pas par une réduction du prix du mobile.
Le tribunal de commerce a considéré sur ce fondement que les offres de BOUYGUES présentent ces caractéristiques. Il existe une corrélation directe entre le niveau du tarif du forfait et celui des réductions affichées sur le terminal. Les offres sont construites pour compenser la réduction accordée sur les terminaux. Une part identifiable du tarif mensuel vient rembourser la « subvention » octroyée sur le terminal plutôt que le service. Au surplus, cette décomposition du prix réellement payé sur 24 mois n’est pas portée à la connaissance des consommateurs qui ne peuvent savoir ce qui leur est facturé au titre de l’abonnement qu’ils souscrivent. En cela BOUYGUES a commis une pratique commerciale trompeuse.
Sur le fondement des articles L. 121-1 et suivants du code de la consommation, le tribunal de commerce considère que les pratiques de BOUYGUES lui ont accordé un avantage concurrentiel. BOUYGUES a capté illégalement une clientèle.
Le tribunal condamne BOUYGUES à des réparations calculées sur le scenario contrefactuel construit par Free Mobile. Cependant le tribunal considère que ces pratiques réalisées par BOUYGUES n’ont pas entrainé de préjudice moral pour Free.