Fin de la saga judiciaire opposant la présidente du Rassemblement National, Marine Le Pen, à l’un des animateurs phares de la chaîne de télévision France 2, Laurent Ruquier.
On se souvient que durant l’émission « On est pas couché » du 7 janvier 2012, à l’issue de l’interview de l’un des candidats à l’élection présidentielle de 2017, Laurent Ruquier avait montré des affiches publiées quelques jours auparavant par le journal « Charlie Hebdo », dont l’une d’elles représentait un excrément fumant sur fond de drapeau tricolore surmonté de la mention « Le Pen, la candidate qui vous ressemble ».
À la suite de cette émission, Marine Le Pen avait déposé plainte avec constitution de partie civile soutenant que cette comparaison avec un « étron fumant » constituait à son égard l’infraction d’injure publique.
Le tribunal correctionnel avait relaxé l’animateur du chef de complicité d’injure publique envers un particulier, décision confirmée par la Cour d’appel de Paris, avant que la Cour de cassation ne vienne casser cet arrêt au motif que « le dessin et la phrase poursuivie, qui portaient atteinte à la dignité de la partie civile en l’associant à un excrément, fût-ce en la visant en sa qualité de personnalité politique lors d’une séquence satirique de l’émission précitée, dépassaient les limites admissibles de la liberté d’expression »1.
La Cour d’appel de Paris, saisie sur renvoi après cassation, avait persisté et signé, en refusant d’y voir une injure.
L’Assemblée plénière de la Cour de cassation vient de rejeter le pourvoi en cassation de Marine Le Pen à l’encontre de ce deuxième arrêt de la Cour d’appel de Paris. La Présidente du Rassemblement National soutenait qu’au-delà du caractère injurieux de l’affiche était également caractérisée une atteinte à sa dignité.
La formation la plus solennelle de la Cour de cassation relève que « la dignité de la personne humaine ne figure pas, en tant que telle, au nombre des buts légitimes énumérés à l’article 10,paragraphe 2, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales » et que « si elle est de l’essence de la Convention (…), elle ne saurait être érigée en fondement autonome des restrictions à la liberté d’expression ».
Dès lors, selon la Cour, « pour déterminer si la publication litigieuse peut être incriminée, il suffit de rechercher si elle est constitutive d’un abus dans l’exercice du droit à la liberté d’expression ».
Exit donc le concept d’atteinte à la dignité humaine pour apprécier du caractère injurieux ou non d’une publication. On ne peut que s’en féliciter tant cette notion est floue, imprécise et laisse place à l’arbitraire qui pourrait devenir un instrument de contrôle de ce qui serait « humoristiquement correct ».
Seule compte l’analyse purement contextuelle pour déterminer si oui ou non les limites admissibles de la liberté d’expression ont été dépassées.
Et la Cour de cassation d’approuver l’analyse de la Cour d’appel qui avait relevé en l’espèce que l’affiche, qui a été publiée dans un journal revendiquant le droit à l’humour et à la satire, comporte une appréciation du positionnement politique de Marine Le Pen à l’occasion de l’élection présidentielle et a été montrée par Laurent Ruquier avec d’autres affiches parodiant chacun des candidats à l’élection présidentielle, dans la séquence d’une émission polémique s’apparentant à une revue de presse, mention étant expressément faite que ces affiches émanent d’un journal satirique et présentent elles-mêmes un caractère polémique.
Dans ce contexte, les limites admissibles de la liberté d’expression n’avaient donc pas été dépassées.