Les contrôles des concentrations européen et français1 reposent sur le principe d’une analyse ex ante des opérations de concentration franchissant certains seuils déterminés en chiffres d’affaires.
Afin d’être efficient, ce contrôle présuppose que les entreprises réalisant des opérations de concentration (i) les notifient à l’autorité de concurrence compétente avant leur mise en œuvre (article 7, alinéa 1 du Règlement 139/2004 et article L.430-3 du code de commerce) et (ii) attendent l’autorisation de l’autorité de concurrence compétente avant toute mise en œuvre (article 7, alinéa 1 du Règlement 139/2004 et article L.430-4 du code de commerce). L’autorisation de l’opération est ainsi une condition suspensive de sa réalisation, classiquement prévue dans les actes préparatoires signés entre les parties à la concentration, tels que les pactes d’associés.
En l’espèce, la Commission européenne a sanctionné Canon, le fabricant japonais de produits optiques et de traitement de l’image, à hauteur de 28 millions d’euros pour avoir partiellement mis à exécution son rachat de Toshiba Medical Systems Corporation (ci-après «TMSC») en violation de ces deux obligations.
En effet, pour réaliser cette acquisition, Canon a utilisé une structure de transaction en deux étapes dite de « portage » :
1ère étape
Canon a recouru à un acheteur provisoire qui a acquis 95% du capital social de TMSC pour 800 euros, et a acquis dans le même temps les 5% restants pour 5,28 milliards d’euros ainsi que des options sur la participation de l’acheteur provisoire. Cette première étape a été effectuée avant la notification à la Commission et donc a fortiori avant l’autorisation accordée par cette dernière.
2ème étape
Une fois la concentration autorisée par la Commission, Canon a exercé ses options sur actions lui permettant d’acquérir 100% des parts de TMSC.
Il est intéressant de noter que, malgré le fait que la première étape ne permettait pas à Canon d’acquérir le contrôle sur TMSC au sens du droit des concentrations, la Commission européenne a estimé que les deux étapes de la structure de la transaction formaient ensemble une seule concentration notifiable, et que la première étape a participé à l’acquisition du contrôle final sur TMSC, qui s’est effectué lors de la seconde étape.
Cette décision assure donc l’effet utile du contrôle des concentrations en assurant qu’il ne puisse être contourné par d’habiles montages juridiques en droit des sociétés.
Elle s’inscrit dans la lignée notamment des décisions ayant sanctionné Facebook à hauteur de 110 millions d’euros en mai 2017 pour fourniture de renseignements inexacts, Altice à hauteur de 124,5 millions d’euros en avril 2018 pour réalisation anticipée de l’opération et General Electric à hauteur de 52M€ en avril 2019 pour fourniture de renseignements inexacts également, ce qui démontre la vigilance accrue de la Commission européenne en matière de respect des règles procédurales encadrant l’examen des opérations de concentration et devrait inciter les entreprises à la prudence.
1 Sous réserve de l’étude par l’Autorité de la concurrence d’un mécanisme de contrôle ex post, comme indiqué dans son communiqué du 7 juin 2018.