L’adoption d’une charte de bonnes pratiques en matière d’intelligence artificielle constitue, pour de nombreuses entreprises ou groupes, une étape structurante dans l’intégration progressive de ces outils dans leurs activités. Qu’il s’agisse d’IA générative, d’automatisation ou d’analyse prédictive, la structuration des usages passe souvent par une démarche pluridisciplinaire mêlant gouvernance, technique, juridique, et réflexion éthique.
Mais avant même de rédiger une charte, il peut être utile de se poser une série de questions structurantes, permettant de définir des priorités, d’identifier les usages concrets concernés, et d’anticiper les risques — dans une logique d’amélioration continue. Ces dix axes de réflexion peuvent servir de socle à la rédaction d’une charte réaliste, adaptable, et conforme aux exigences réglementaires et à l’identité de l’entreprise.
Il est important de prévoir en amont une gouvernance interne dédiée à l’encadrement des usages de l’IA. Celle-ci peut prendre la forme d’un référent IA identifié, d’un comité de suivi pluridisciplinaire (juridique, DSI, innovation, conformité, etc.), et d’un dispositif d’alerte ou de validation pour les cas sensibles. Cette structure permet de garantir la cohérence des décisions et la réactivité face aux évolutions technologiques rapides.
Le choix des outils doit s’accompagner d’une analyse de leurs conditions d’usage : IA accessible en ligne (type ChatGPT, Gemini, Copilot), ou solutions hébergées en interne ou sur des serveurs souverains (ex. : Mistral, Llama 2, Claude via AWS). La charte pourra préciser les outils autorisés / à proscrire, les modalités d’accès (API, plug-in, poste dédié), les garanties d’hébergement et de confidentialité.
Identifier les cas d’usage est essentiel pour calibrer la charte à la réalité opérationnelle : rédaction de documents internes, génération d’illustrations ou de synthèses non publiées, aide à la structuration de données. Ces cas d’usage peuvent être classés selon leur niveau d’exposition (interne, externe, public), afin d’anticiper les besoins de contrôle ou de validation humaine.
La charte doit intégrer une veille active sur les normes applicables : données personnelles (RGPD), propriété intellectuelle (droits sur les prompts et les outputs), droit à l’image, secret des affaires (inputs contenant des éléments confidentiels). Exemple : générer une image incluant involontairement une marque protégée ou un visage identifiable peut exposer l’entreprise à un contentieux non anticipé.
La charte peut être l’occasion de réaffirmer des principes fondateurs : transparence, inclusion, respect de la créativité humaine, maîtrise des risques liés à l’automatisation. Ces choix éthiques peuvent être formulés de manière souple, mais doivent éclairer les usages autorisés et ceux qui appellent une vigilance renforcée.
Il peut être utile d’adopter une grille d’évaluation inspirée de l’approche européenne (IA Act) : usages internes non exposés, usages diffusés à l’extérieur (communication, marketing), usages engageant juridiquement l’entreprise, usages à proscrire (manipulation d’image, imitation d’une personne physique, etc.).
La qualité et la licéité des prompts conditionnent celle des résultats générés. Il est recommandé d’éviter l’introduction de contenus protégés sans autorisation, de ne pas intégrer d’informations sensibles ou stratégiques, de privilégier des formulations claires, neutres, et documentées.
Selon les cas, la charte peut recommander une relecture humaine systématique, une validation juridique ou conformité, l’ajout d’une mention indiquant l’usage d’IA dans la création de certains contenus.
Compte tenu de l’évolution rapide des technologies et de la réglementation (notamment en Europe), la charte doit être conçue comme un document évolutif, avec des clauses de mise à jour régulière, un droit d’alerte des utilisateurs en cas de difficulté, une adaptation possible à l’échelle d’un groupe ou d’un service.
La charte gagnera à être partagée à travers des formations ou des sensibilisations, intégrée aux outils internes (intranet, systèmes de validation, etc.), adossée à une procédure simple de signalement ou de remontée d’expérience. Elle peut également être accompagnée d’un “guide utilisateur IA” destiné aux équipes opérationnelles.
Conclusion
La rédaction d’une charte de bonnes pratiques en matière d’IA n’est pas un exercice formel : c’est un levier de cohérence, de conformité et de responsabilisation dans un domaine technologique en constante évolution. En partant des bonnes questions, les entreprises peuvent construire un cadre réaliste et dynamique, à la fois protecteur et propice à l’innovation.