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Actualité
3/5/16

"Une preuve de plus qu’Auchan est moins cher" : la position de la cour de cassation sur une publicité comparative entre Auchan et Carrefour

Les arrêts de la Cour de cassation rendus en matière de publicité comparative sont relativement rares et plus encore les arrêts de cassation.
En l’espèce, la Chambre commerciale de la Cour de cassation procède à un sévère rappel à l’ordre par son arrêt du 12 avril dernier (n°13-28217), en cassant en toutes ses dispositions l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 18 septembre 2013 dans une affaire opposant les sociétés Carrefour à la société Auchan (RG : 11/18653).

En 2009, Auchan avait diffusé une campagne publicitaire comparative prenant la forme d’affiches disséminées dans son magasin du Val d’Europe comportant le slogan « Une preuve de plus qu’Auchan est moins cher » avec la photographie d’un produit accompagné du prix Auchan, du prix Carrefour ainsi que d’un pourcentage négatif (Auchan étant supposée être X% moins cher que Carrefour). Cette campagne visait le prix de 14 produits de consommation courante vendus par le magasin Auchan du Val d’Europe et deux magasins Carrefour situés à proximité.

Considérant que cette publicité était illicite et déloyale, les sociétés Carrefour ont assigné Auchan en réparation de leur préjudice. Le Tribunal de commerce de Meaux les ayant déboutées de leurs demandes, les sociétés Carrefour ont interjeté appel de ce jugement.

Par l’arrêt précité du 18 septembre 2013, la Cour d’appel de Paris a infirmé le jugement de première instance en jugeant que cette publicité comparative n’était pas licite en ce qu’elle ne respectait pas l’exigence d’objectivité fixée par l’article L. 121-8-3° du Code de la consommation. Au soutien de son analyse, la Cour a souligné que cette publicité dont l’objet est de démontrer qu’Auchan pratique des prix inférieurs à ceux des autres distributeurs et notamment à ceux des sociétés Carrefour :

« ne repose pas sur un panel suffisamment représentatif de produits couramment consommés, mais uniquement sur 14 produits sélectionnés par la société Auchan elle-même ».

En d’autres termes, nous comprenons que la Cour d’appel considère que cette publicité ne reposait pas sur un panel suffisamment représentatif de produits de consommation courante en raison d’une part, du faible nombre de produits retenus et d’autre part de la sélection par Auchan des produits objets du panel.

En outre, la Cour d’appel a également infirmé la décision des premiers juges en prononçant le caractère dénigrant de cette campagne publicitaire.

Le raisonnement des magistrats parisiens est sanctionné dans son ensemble par la Cour de cassation au double visa des articles L. 121-8 et L. 121-9 du Code de la consommation.

S’agissant tout d’abord de la licéité de la publicité

La Cour de cassation reproche en premier lieu à la Cour d’appel d’avoir privé sa décision de base légale, autrement dit d’avoir procédé à une mauvaise application de la règle de droit, c’est-à-dire en l’espèce de l’article L. 121-8 du Code de la consommation.

Pour retenir que la publicité comparative manquait à l’exigence d’objectivité, la Cour d’appel de Paris a jugé que cette campagne ne reposait pas sur un panel suffisamment représentatif de produits couramment consommés mais uniquement sur 14 produits.

Or, comme le soulignait à juste titre le moyen du pourvoi, le défaut d’objectivité d’une publicité comparative ne saurait se déduire du seul nombre de produits objet de la comparaison.

C’est précisément en ce sens que la chambre commerciale a statué en reprochant à la Cour d’appel de ne pas avoir décrit les produits comparés ni même recherché concrètement s’ils étaient représentatifs des achats de produits couramment consommés.

Cette solution est inévitable car dès lors que la Cour d’appel a jugé que la publicité en cause visait à démontrer, à travers le slogan utilisé (« Une preuve de plus qu’Auchan est moins cher »), qu’Auchan est globalement moins cher que d’autres distributeurs dont Carrefour, il devait être démontré que les produits retenus étaient représentatifs des achats de consommation courante. Or, cela impliquait d’effectuer une recherche concrète en ce sens ce dont les juges d’appel se sont abstenus en se contentant de retenir le seul nombre des produits comparés.

En second lieu, la chambre commerciale relève le caractère inopérant de la motivation de la Cour d’appel lorsque celle-ci souligne que la publicité repose uniquement sur des produits sélectionnés par Auchan.

De fait, un tel motif était impropre à caractériser l’absence de condition d’objectivité de la campagne publicitaire. Là encore, la solution de la Cour de cassation s’impose donc car le seul fait que l’annonceur, en l’occurrence Auchan, ait sélectionné les produits comparés ne permet pas de présumer que lesdits produits n’étaient pas représentatifs des achats de consommation courante.

S’agissant ensuite du caractère dénigrant de la publicité

De manière étonnante, la Cour d’appel avait retenu le caractère dénigrant de la publicité au motif que la véracité de la publicité comparative dont le slogan véhicule l’idée que les magasins Carrefour pratiquent des prix très supérieurs à ceux d’Auchan n’est ni démontrée, ni vérifiable par les consommateurs.

Ce raisonnement encourait inévitablement la censure de la haute juridiction dans la mesure où l’argument relatif à la véracité de la campagne incriminée relève de la question du caractère objectif de la publicité, c’est-à-dire de l’article L. 121-8-3° du Code de la consommation, et non pas de la question du caractère dénigrant réprimé par l’article L. 121-9-2°.

En outre, il sera rappelé qu’en vertu d’une jurisprudence constante et concordante le dénigrement consiste à jeter le discrédit sur les produits, l’entreprise ou la personnalité d’un concurrent. Or, la seule confrontation des prix ne peut pas en soi entraîner le discrédit ou le dénigrement d’un concurrent qui pratique des prix plus élevés (cf. Cass. Com., 19 janvier 2010, n°08-19814 ; voir aussi T. Com. Paris, 28 septembre 2010, RG : 2010032954).

L’avenir dira si la juridiction de renvoi qui n’est autre que la Cour d’appel de Paris autrement composée tirera les leçons de ce sévère rappel à l’ordre.

Julie ZOUGHI
Image par © WavebreakmediaMicro sur Fotolia
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