Le 9 janvier 2025, l’Autorité de la concurrence (ci-après « l’Autorité ») a publié un avis sur les systèmes de notation visant à informer les consommateurs sur les caractéristiques liées au développement durable des produits et services de consommation.
Face à la multiplication de ces outils d’évaluation, l’Autorité met en avant leurs bénéfices, précise les conditions nécessaires à leur conception et souligne plusieurs points de vigilance quant à leur mise en œuvre.
Les systèmes de notation simplifient l’accès à des informations complexes en attribuant aux produits et services une évaluation graduée (chiffres, lettres, couleurs). Présents sur divers supports (emballages, applications mobiles, sites internet), dans de nombreux secteurs (alimentation, cosmétique, électroménager, textile…), ils offrent un outil de comparaison efficace, facilitant le choix des consommateurs et la transparence du marché. L’Autorité souligne que l’information fournie par ces notations constitue un critère dans la décision d’achat des consommateurs.
Par ailleurs, l’Autorité note que ces systèmes intègrent de plus en plus des critères de durabilité pour répondre aux attentes croissantes des consommateurs en matière de respect de l’environnement.
À cet égard, l’Autorité souligne que le développement durable est un véritable paramètre de concurrence et rappelle sa décision n° 23-D-15 du 29 décembre 2023, dans laquelle elle a sanctionné des pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre par des industriels s’étant coordonnés pour ne pas communiquer sur l’absence de Bisphénol A (BPA) dans leurs contenants alimentaires, restreignant ainsi l’information accessible aux consommateurs.
L’Autorité recommande aux éditeurs de systèmes de notation, qu’ils soient publics ou privés, de veiller à :
En outre, la construction d’un système de notation implique généralement la tenue de réunions préparatoires et/ou d’une série de groupes de travail, de sorte que l’élaboration d’un système de notation peut présenter, dans certaines circonstances, des risques concurrentiels.
Ainsi, l’Autorité indique que pour éviter toute caractérisation d’une entente anticoncurrentielle, les échanges entre concurrents lors de la création d’un système de notation doivent se limiter à couvrir seulement les éléments strictement nécessaires à la réalisation de leurs objectifs (choix des critères, pondération, règles encadrant la mise en œuvre du dispositif).
Par cet avis, l’Autorité entend appeler à la vigilance les acteurs lors de la mise en œuvre des systèmes de notation en ce qui concerne :
Dans l’hypothèse où certaines bases de données ou leurs logiciels d’utilisation peuvent ne pas être rendues accessibles aux éditeurs de systèmes de notation ou à des conditions restrictives, l’Autorité rappelle que le refus d’accès aux bases de données par une entreprise en position dominante individuelle ou collective est susceptible de constituer un abus de position dominante individuel ou collectif (par ex. refus d’accès d’un organisme professionnel regroupant plusieurs professionnels).
Un système de notation attribuant une note défavorable à un produit pour des substances autorisées par les autorités sanitaires ne saurait constituer per se un dénigrement. L’Autorité mentionne la jurisprudence en la matière et précise que dans le cas d’un éditeur de système de notation, qui n’est en général pas concurrent de l’entreprise dont les produits sont notés, la démonstration du dénigrement sur le fondement des dispositions du droit de la concurrence semble difficilement envisageable.
Les entreprises peuvent décider de mener des actions de représentation d’intérêts auprès des pouvoirs publics pour influencer leurs décisions relatives à la création ou au fonctionnement d’un système de notation public. L’Autorité indique qu’elle veille notamment à ce qu’une entreprise en position dominante ne s’immisce pas indûment dans le processus décisionnel d’une autorité publique. Elle souligne également que l’adoption par plusieurs entreprises d’une position commune à l’égard d’une autorité publique visant à lui fournir des informations trompeuses pourrait également se voir appliquer le droit des ententes.
Certains systèmes de notation permettent aux entreprises de ne communiquer que sur les produits ou gammes de produits qui obtiennent une note favorable. A ce titre, l’Autorité relève qu’une coordination entre entreprises visant à s’abstenir « de mettre la lumière sur les produits obtenant une note peu favorable » serait susceptible de constituer une entente anticoncurrentielle.
Certains distributeurs ou éditeurs en position dominante pourraient imposer l’utilisation d’un système de notation ne garantissant pas une concurrence effective (manque de transparence, méthode peu robuste) et/ou exiger un volume d’informations excessif pour son fonctionnement. L’Autorité rappelle que la jurisprudence française et européenne a déjà eu l’occasion de qualifier d’abus de position dominante le fait pour un opérateur dominant sur un marché d’imposer des conditions de transaction non équitables à ses partenaires. De plus, un éditeur-distributeur qui favorise ses propres produits, utilise des informations commerciales à son avantage, ou applique des règles discriminatoires envers ses fournisseurs (placés dans des situations similaires), pourrait commettre un abus de position dominante en raison du caractère discriminatoire des pratiques.
Enfin, l’Autorité rappelle les conditions devant être réunies afin que d’éventuelles pratiques contraires au droit de la concurrence puissent être justifiées ou exemptées, compte tenu de l’objectif de protection du consommateur ou de durabilité. Elle souligne également que les acteurs du secteur ont la possibilité de solliciter des informations sur la compatibilité de leurs projets poursuivant un objectif de développement durable avec les règles de concurrence, comme précisé dans le communiqué de procédure du 27 mai 2024.