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Actualité
6/3/14

« Sarkoleaks » : la contre-attaque judiciaire des époux Bruni-Sarkozy

Après les révélations par le Canard Enchainé et le site Atlantico des verbatims de conversations entre Nicolas Sarkozy et des membres de son entourage, enregistrées à leur insu par Patrick Buisson, ex-conseiller politique de l’ancien Président de la république, les avocats de Nicolas Sarkozy et Carla Bruni ont annoncé que leurs clients avaient décidé d’assigner en justice « pour atteinte à l’intimité de la vie privée », Patrick Buisson, mais également les médias les ayant diffusés.

Au cœur du scandale révélé par Le Canard Enchaîné au sujet des écoutes de Patrick Buisson, des passages précis sont aujourd’hui mis en avant dans la presse. En marge des conversations politiques, des entretiens plus intimes entre Nicolas Sarkozy et Carla Bruni ont également été enregistrés et diffusés.

Une procédure de référé devrait être prochainement introduite devant le Tribunal de grande instance de Paris, selon les déclarations des avocats de Nicolas Sarkozy et Carla Bruni, visant à faire cesser en urgence « un trouble manifestement illicite » et donc à empêcher de nouvelles diffusions d’extraits ou de transcriptions de ces enregistrements, même si une décision d’interdiction ne s’imposerait pas erga omnes.

À l’égard de Patrick BUISSON, les faits reprochés pourraient relever des dispositions de l’article 226-1 du Code pénal qui prévoit notamment qu’ :

« Est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait, au moyen d’un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui (…) 1° En captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ».

Même s’il n’est pas démontré à ce stade que Patrick BUISSON est à l’origine de la diffusion de ces enregistrements, l’infraction de captation est autonome de celle de transmission.

S’agissant des médias qui ont diffusés des extraits des entretiens entre Nicolas Sarkozy et Carla Bruni, les faits reprochés relèveraient de l’article 9 du Code civil qui dispose que « Chacun a droit au respect de sa vie privée » ou encore de l’article 226-2 du Code pénal selon lequel « Est puni des mêmes peines le fait de conserver, porter ou laisser porter à la connaissance du public ou d’un tiers ou d’utiliser de quelque manière que ce soit tout enregistrement ou document obtenu à l’aide de l’un des actes prévus par l’article 226-1 ».

Dans le cadre de l’affaire Bettencourt, au cours de laquelle Médiapart et Le Point avaient publié des extraits d’enregistrements réalisés clandestinement par le maitre d’hôtel de Liliane Bettencourt lors de réunions d’affaires dans l’hôtel particulier des Bettencourt, la Cour de cassation puis la cour de renvoi ont adopté une conception objective des dispositions des articles 226-1 et 226-2 du Code pénal, prenant en compte non pas le contenu des enregistrements publiés, mais les conditions dans lesquelles la captation a été réalisée.

Le seul fait de capter des paroles prononcées à titre privé sans le consentement de leur auteur constitue donc une atteinte à l’intimité de la vie privée.

Mais la diffusion par les médias des enregistrements réalisés par Patrick Buisson ne peut-elle pas se revendiquer d’un motif légitime d’information du public ? C’est ce qui était soutenu dans l’affaire Bettencourt, mais la  cour de renvoi a considéré que :

« l’exigence de l’information du public dans une société démocratique énoncée à l’article 10 de la Convention susvisée, qui aurait pu être satisfaite par un travail d’investigation et d’analyse mené sous le bénéfice du droit au secret des sources, ne peut légitimer la publication, même par extraits, d’enregistrements obtenus en violation du droit au respect de la vie privée d’autrui, affirmé par l’article 8 de ladite Convention ».

Sauf démonstration (improbable) de l’accord de Nicolas Sarkozy et Carla Bruni à l’enregistrement de leurs propos, au regard des principes posés par la jurisprudence, on devrait donc logiquement s’acheminer vers une décision de condamnation pour atteinte à l’intimité de la vie privée dans l’affaire « Sarkoleaks ».

Aurélie Brégou
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