La Commission a ouvert le 15 février 2023, une procédure d’infraction contre la France concernant l’étiquetage des consignes de tri des déchets, en lui adressant une mise en demeure (NFR(2022)4028)1.
La procédure d’infraction qui est une procédure mise en œuvre par la Commission et édictée aux articles 258 à 260 du TFUE, vise à faire constater par la CJUE le manquement d’un État membre à une des obligations des traités afin que ce dernier y remédie. La procédure d’infraction se décompose en deux temps. Dans un premier temps, la Commission adresse une mise en demeure à l’État concerné, l’État dispose alors d’un délai pour faire valoir ses observations avant que la Commission n’émette un avis auquel l’État devra se conformer. Dans un second temps et dans l’hypothèse où l’État ne se serait pas conformé à l’avis émis par la Commission, celle-ci pourra saisir la CJUE. Lorsque la CJUE reconnaît le manquement d’un État aux obligations des traités, l’État doit prendre les mesures enjointes par la Cour dans son arrêt.
La signalétique de tri mise en place par la France prévoit que la mise sur le marché français des produits à destination des ménages soumis à un dispositif de responsabilité élargie du producteur (REP)2, n’est possible que si ces produits sont étiquetés avec le « logo Triman » et les « info-tri » correspondants (les info-tri étant les informations précisant les modalités du tri).
Le tri des déchets n’est pas régi au niveau européen par des règles harmonisées. Cette absence d’harmonisation laisse les Etats libres de prendre des mesures régissant les domaines non concernés par une règle d’harmonisation. Toutefois, celles-ci ne peuvent pas créer « de charge inutile pour les échanges commerciaux sur le marché intérieur ».
Or précisément, la Commission considère qu’en imposant des règles spécifiques en matière d’étiquetage, la France risque de porter atteinte au principe de libre circulation des marchandises. La Commission estime par ailleurs, que les mesures de tri françaises peuvent également avoir des effets délétères sur l’environnement par le surplus de matériaux utilisés pour l’étiquetage et par une plus grande production de déchets.
Selon la Commission, des mesures moins restrictives de la circulation des marchandises sur le marché intérieur existaient. De fait, elle estime que la France n’a pas effectué une analyse suffisante de la proportionnalité de la règlementation Triman avec le principe de libre circulation des marchandises mais aussi avec l’impératif de protection de l’environnement.
Par ailleurs, elle retient un manquement de la France quant à son obligation de notification du projet de la loi AGEC (dont le Triman résulte) conformément à la directive relative à la transparence du marché unique.
La France dispose de deux mois pour présenter ses observations à la Commission suite à cette mise en demeure, soit jusqu’à mi-avril. Conformément à la procédure d’infraction, la Commission pourra par la suite émettre un avis motivé à l’encontre de la France, pouvant donner lieu à une décision de la CJUE dans l’hypothèse où la France ne se conformerait pas à ce dernier.
Notons toutefois que cette procédure d’infraction, notamment en ce qui concerne le risque d’entrave à la libre circulation des marchandises, intervient alors que le projet de règlement sur les emballages et les déchets d’emballages (PPWR) qui est actuellement en discussion prévoit justement une harmonisation des règles en matière de consignes de tri.
1 Commission européenne saisit la CJUE contre 17 États, et demande à la France de se mettre en conformité avec le droit de l’UE dans plusieurs domaines
2 « Les filières REP sont des dispositifs particuliers d'organisation de la prévention et de la gestion de déchets qui concernent certains types de produits »