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Actualité
25/3/14

Loi Consommation – Action de groupe : Mythe ou réalité?

Mesure phare de La Loi relative à la Consommation adoptée le 17 mars 2014[1] (ci-après, la « Loi Consommation » ) car promise depuis longtemps, l’action de groupe fait l’objet d’un Chapitre III inséré dans le Titre II (Actions en justice des associations de consommateurs) du Livre IV (Les associations de consommateurs) du code de la consommation. Elle vient compléter l’action exercée dans l’intérêt collectif des consommateurs (Chapitre Ier) et l’action en représentation conjointe (Chapitre II).

Saisi par des députés et des sénateurs, le Conseil Constitutionnel a considéré par sa décision du 13 mars 2014 que les dispositions du Projet de loi Consommation relatives à l’action de groupe étaient conformes à la Constitution en ce qu’elles ne méconnaissaient pas la liberté personnelle ni les autres exigences constitutionnelles.

1. Un champ d’application restreint

L’action de groupe permet à des consommateurs de se regrouper pour intenter une action en justice collective à l’encontre de mêmes professionnels.

Le champ d’application de l’action de groupe défini à l’article L. 423-1 du code de la consommation (article 1er de Loi Consommation) impose la réunion de trois conditions :

  • Les consommateurs doivent tous être victimes d’un manquement d’un des mêmes professionnels à ses obligations légales ou contractuelles ;
  • Ce manquement peut avoir été causé à l’occasion de la vente de biens ou des prestations de services ou encore résulter de pratiques anticoncurrentielles (ententes ou abus de position dominante) ;
  • Les consommateurs doivent rechercher la réparation des préjudices patrimoniaux résultant de dommages matériels.

Sont donc exclus de la procédure d’action de groupe :

  • Les dommages subis par des personnes morales ou des professionnels ;
  • Les préjudices non patrimoniaux (i.e. les préjudices moraux ou corporels qui répondent à des logiques d’indemnisation différentes).

La Loi Consommation prévoit d’ores et déjà que l’extension aux domaines de la santé et de l’environnement sera envisagée dans un rapport gouvernemental remis dans les trente mois de la promulgation de la loi.

Les entreprises ne peuvent interdire à un consommateur de participer à une action de groupe puisque toute clause de ce type est réputée non écrite en application de l’article L. 423-17 du code de la consommation.

2. Le monopole des associations de consommateurs

Selon l’article L. 423-1 du code de la consommation, l’action de groupe ne peut être introduite que par l’une des seize associations de défense des consommateurs représentatives au niveau national et agréée.

En pratique, seules l’UFC Que choisir et la CLCV paraissent avoir les moyens financiers et les capacités à engager une action de groupe, ce qui pose la question de l’effectivité de cette innovation.

Ce monopole conféré aux associations de consommateurs a été contesté, notamment par les avocats. Il n’a toutefois fait l’objet d’aucune discussion que ce soit devant l’Assemblée nationale ou devant le Sénat.

L’objectif affiché est de filtrer les initiatives des consommateurs et de prémunir les entreprises contre des actions de groupe abusives destinées à déstabiliser un concurrent.

Les avocats pourront assister et représenter les associations de consommateurs mais ils ne pourront en revanche pas initier une procédure d’action de groupe. En cours de procédure, les avocats pourront être autorisés par décision du juge à assister l’association de consommateurs notamment aux fins de réception des demandes d’indemnisation des membres du groupe.

3. Les procédures de l’action de groupe

Les consommateurs répondant aux conditions de l’action de groupe peuvent obtenir la réparation de leurs préjudices individuels selon trois procédures, le choix de l’une d’elle étant laissé à l’appréciation de l’association de consommateurs.

4. La procédure ordinaire

Elle est introduite devant l’un des Tribunaux de grande instance spécialement désignés pour connaître des actions de groupe.

Au terme de la première phase de la procédure ordinaire, le juge rend un « jugement de responsabilité » par lequel :

  • il constate la recevabilité de l’action de groupe ;
  • il statue sur la responsabilité du professionnel mis en cause ;
  • il définit le groupe des consommateurs à l’égard desquels la responsabilité du professionnel est engagée, en fixe les critères de rattachement ainsi que les modalités d’adhésion (notamment le délai dans lequel les consommateurs peuvent se manifester pour obtenir la réparation de leur préjudice) ;
  • il détermine les modalités de la réparation des préjudices subis par les consommateurs (nature des préjudices réparables, le ou les groupe(s) de consommateurs, le montant de l’indemnité ou les éléments permettant son évaluation ou encore l’octroi d’une réparation en nature) ;
  • ainsi que les mesures de publicité du jugement qui sont à la charge du professionnel.

La seconde phase de la procédure ordinaire concerne l’indemnisation des consommateurs. Le professionnel procédera à l’indemnisation de chaque consommateur dans les conditions et délais fixés par le jugement de responsabilité, à charge pour le juge de trancher, dans un même jugement, les difficultés liées à la liquidation des préjudices.

5. La procédure simplifiée

La Loi Consommation prévoit une procédure d’action simplifiée applicable lorsque deux conditions sont réunies :

  • L’identité et le nombre des consommateurs lésés sont connus ;
  • Le préjudice subi est d’un même montant, d’un montant identique par prestation rendue ou d’un montant identique par référence à une période ou à une durée.

Dans ce cas, le juge condamne, dans la même décision que le jugement de responsabilité, le professionnel à indemniser directement et individuellement les consommateurs lésés. Les contestations liées aux créances indemnitaires des consommateurs devraient donc être limitées, voire supprimées dans le cadre de cette procédure simplifiée.

6. La médiation

L’association de consommateurs requérante peut participer à une médiation faisant intervenir un tiers médiateur afin d’obtenir la réparation des préjudices individuels des consommateurs lésés.

L’accord négocié au nom du groupe est soumis à l’homologation du juge. Il comprend les mesures de publicité nécessaires pour informer les consommateurs de la possibilité d’y adhérer.

Les entreprises visées par une action de groupe devraient avoir tendance à privilégier la recherche d’un compromis pour se prémunir des conséquences néfastes d’une action de groupe en termes de cout et/ou de réputation.

7. Spécificités de l’action de groupe en matière de concurrence

Les victimes des pratiques anticoncurrentielles, et notamment des cartels, vont pouvoir obtenir la réparation du préjudice subi.

Il faudra toutefois qu’elles fassent preuve de patience puisque la responsabilité du professionnel ne pourra être prononcée avant qu’une décision définitive établisse un manquement du professionnel aux règles du droit de la concurrence.

Le juge saisi d’une action de groupe en matière du droit de la concurrence ne disposera d’aucune marge d’appréciation quant à la nature du manquement constaté par une précédente décision. Sa principale mission consistera par conséquent à évaluer les préjudices individuels résultant de pratiques anticoncurrentielles avérées, ce qui dans certaines affaires pourrait se relever particulièrement ardu (ex. ententes dans le secteur de la farine, des endives ou de la lessive).

Jean-Christophe ANDRÉ / Gwendoline CATTIER
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