La refondation du droit du travail par la Loi Travail du 8 août 2016 accélère une tendance à l’œuvre depuis plusieurs décennies plus qu’elle ne marque une véritable rupture.
Cette tendance, qui a débuté en 1982 et s’est poursuivie avec les lois de 2004 et 2008, consiste à rapprocher les auteurs de la norme (organisations patronales et organisations syndicales) avec les acteurs de cette norme (entreprises et salariés) en donnant autant que possible la priorité à l’accord d’entreprise.
Dans cette perspective, une redéfinition s’imposait des places du législateur, de la branche et de l’entreprise dans la fabrication de la norme.
La Loi Travail procède à une redistribution des domaines de la loi, de l’accord de branche et de l’accord d’entreprise, dans le cadre de laquelle, la branche professionnelle voit ces missions redéfinies et, paradoxalement, son rôle renforcé.
La branche n’est pas juridiquement définie.
Elle se caractérisait par :
Désormais la branche professionnelle se voit investie de trois missions.
A. Domaines réservés
Elle conserve plusieurs domaines de négociations, domaines, qui sont d’ailleurs étendus, en matière de garanties applicables aux salariés employés en matière de :
Dans ces domaines, aucun accord d’entreprise ne peut déroger dans un sens défavorable aux salariés.
B. Domaines que la branche peut se réserver sous condition
La branche peut définir par la négociation collective, un ordre public conventionnel, c’est-à-dire des thèmes sur lesquels les accords d’entreprise ne peuvent être moins favorables que les conventions conclues au niveau de la branche, à l’exclusion des thèmes pour lesquels la loi prévoit la primauté de l’accord d’entreprise (exemple : en matière de durée du travail, le législateur a donné la primauté à l’accord d’entreprise sur un grand nombre de questions).
La branche peut donc verrouiller d’autres domaines en interdisant aux entreprises d’y déroger de manière défavorable, sauf si le législateur en dispose autrement.
Autrement dit, dans les domaines où le législateur a donné la priorité à l’accord d’entreprise, la branche n’est pas en droit d’y faire échec par une clause de verrouillage.
C. Régulateur de la concurrence
La branche se voit attribuer une nouvelle mission. Elle se voit chargée de « réguler la concurrence entre les entreprises relevant de son champ d’application ».
De quoi s’agit-il exactement ? Difficile à dire car le législateur ne s’est pas étendu sur le sujet et les commentateurs sont peu diserts.
On comprend simplement que plus il sera donné de liberté aux entreprises pour négocier des normes sociales dans des domaines qui jusque-là échappaient à la liberté de négociation, plus l’on fait entrer dans la concurrence entre entreprises des éléments du droit du travail et plus le risque de dumping social existe. D’où cette mission de régulation.
Il n’en reste pas moins que cette mission soulève des questions.
Qu’entend-on par régulation ? Quels sont les pouvoirs de la branche dans ce domaine ? Une telle mission confiée à la branche est-elle licite ? Comment cette mission s’articule-t-elle avec la mission générale de régulation de l’Autorité de la Concurrence ?
Il faudra attendre un peu avant d’y voir plus clair.
Le législateur a créé une nouvelle commission : la commission paritaire permanente de négociation et d’interprétation (l’ancienne commission paritaire d’interprétation de l’article L2232-9 est supprimée).
La CPPNI exercera les missions suivantes :
Cette nouvelle commission paritaire permanente devra se réunir au moins trois fois par an en vue des négociations annuelle, triennale et quinquennale visées au chapitre 1er – Titre IV du Livre II relatif à la négociation collective et devra définir son calendrier de négociation.
Un accord de branche étendu pourra désormais comporter, sous forme d’accords types, indiquant les différents choix laissés à l’employeur, des stipulations spécifiques pour les entreprises de moins de 50 salariés.
Ces stipulations spécifiques pourront porter sur l’ensemble des matières de la négociation collective.
Ces accords type pourront être mis en œuvre par les entreprises de moins de 50 salariés au moyen d’un document unilatéral indiquant les choix qu’il a retenus après en avoir informé les délégués du personnel s’il en existe, ainsi que les salariés par tous moyens.
On le voit, la priorité donné à l’accord d’entreprise s’accompagne d’un renforcement de la branche professionnelle.