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Actualité
31/1/17

Le respect des formalités : au-delà de la formule de la Convention de Berne, une utilité pratique essentielle

Le respect des formalités a souvent été présenté comme un marqueur important de la différence entre pays de droit d’auteur et pays du copyright. L’opposition doit être aujourd’hui fortement relativisée.

En France, le décret-loi des 19 et 24 juillet 1793 prévoyait dans son article 6 que l’auteur devait déposer des exemplaires à la Bibliothèque nationale à défaut de quoi il ne pourrait pas “être admis en justice pour la poursuite des contrefacteurs”. Cette exigence sera supprimée en 1915, suite à la révision de la Convention de Berne en 1908.

Le Royaume-Uni a connu une semblable évolution. La loi adoptée en 1842, interdisant de poursuivre en justice les contrefacteurs à défaut de formalités, sera abrogée en 1911. La clé de la distinction se trouve donc dans la Convention de Berne et seule la situation des États-Unis doit retenir notre attention. Avant de présenter le contenu concret de ces formalités à accomplir, il faut bien comprendre leur fondement.

Les formalités sont, en effet, le produit d’une histoire, l’expression d’une philosophie et la réponse à un besoin pratique évident.

Tant au Royaume-Uni qu’aux États-Unis, le respect des formalités est à mettre en relation avec le système des privilèges qui permettaient d’organiser un certain contrôle des œuvres. Le respect des formalités répond aux mêmes préoccupations.

La Convention de Berne qui dispose dans son article 5-2 que : “la jouissance et l’exercice des droits ne sont subordonnés à aucune formalité” marque donc la volonté de ne pas voir les États contrôler les œuvres. Produit d’une histoire, le respect des formalités est aussi l’expression d’une philosophie.

Le principe selon lequel le droit d’auteur nait du fait même de la création doit, selon nous, être rattaché à la philosophie des droits naturels. Le droit naît en l’absence de tout contrôle de l’État. L’existence des formalités est en revanche à rapprocher de l’analyse qui fait du copyright un monopole légal. Les formalités permettent en effet de vérifier que l’œuvre répond bien aux conditions requises et qu’il est bien utile d’envisager sa protection. Deux systèmes radicalement opposés.

Bien évidemment les formalités sont aussi une réponse pratique à plusieurs difficultés. Les dépôts ou autres enregistrements ont en effet pour finalité d’informer les tiers sur l’existence des droits, ce qui répond à un objectif de transparence et de concurrence. Les droits identifiés, les formalités permettent encore d’identifier les titulaires; un point qui se révèle dans la vie des affaires tout à fait indispensable. Les formalités permettent aussi de dater les œuvres, ce qui est une pratique suivie par tous les titulaires des droits dans les systèmes de droit d’auteur continental à l’aide d’outils différents (huissiers, notaires, sociétés d’auteur, organismes privés1).

Ces précisions apportées, quel est le contenu des formalités aux États-Unis ?
Le copyright américain en connait (en a connu devrait-on dire) aujourd’hui deux : la mention de réserve et le dépôt et l’enregistrement.

La mention de réserve

La mention de réserve est bien connue.

Dans la forme, elle doit comporter, sur chaque exemplaire de l’œuvre les trois éléments suivants : le symbole de la lettre C majuscule dans un cercle ©, tout d’abord, l’année de la première publication de l’œuvre, ensuite, le nom du titulaire du droit, enfin. Sous la loi de 1909, le copyright ne pouvait s’acquérir qu’à la condition du respect de cette mention. Autrement dit, la formalité était constitutive du droit. A défaut, l’œuvre restait dans le domaine public. Dans la loi de 1976, le système est maintenu, toutefois, le législateur envisage des hypothèses où l’omission n’invalide plus le droit (par exemple si le titulaire régularise la formalité dans les cinq ans qui suivent la publication sans mention).

Malgré cet assouplissement, la sanction reste celle de la “chute” de l’œuvre dans le domaine public. A la suite de l’adhésion des États-Unis à la Convention de Berne le 1er mars 1989, la mention de réserve n’est plus requise. Ceci ne concerne toutefois que les œuvres publiées après cette date. Le maintien de cette mention après cette date conserve tout de même un certain intérêt. En effet, en vertu de l’article 401 du Copyright Act, en l’absence d’une telle mention, le contrefacteur sera autorisé à plaider « l’innocent Infringement » c’est-à-dire la « contrefaçon de bonne foi ». Il pourra en conséquence obtenir une diminution des dommages et intérêts dus au titulaire des droits. Il est donc recommandé de continuer à apposer cette mention.

Le dépôt et l’enregistrement

Le dépôt et l’enregistrement représentent une autre formalité.

Contrairement à la mention de réserve, le dépôt et l’enregistrement n’ont aucune valeur constitutive du droit du Copyright. La Cour suprême a en effet jugé en 1939 que ces formalités ne conditionnaient pas le droit mais seulement son exercice. Sous la loi de 1976, comme celle de 1909, l’enregistrement est donc un préalable à toute action en justice. Sous l’empire de la loi de 1976, la formalité représente également un commencement de preuve de la validité du Copyright. Deux bonnes raisons de se plier à ces formes.

En quoi consistent-elles ?

Concrètement, le titulaire du Copyright doit envoyer au Copyright Office un formulaire renseignant un certain nombre d’éléments à propos de l’œuvre et de sa titularité (voir l’article 409). Cet envoi s’accompagne du paiement d’une taxe, qui varie entre 35 et 65 dollars, selon que le dépôt a été effectué en ligne ou non. L’enregistrement est nécessairement accompagné de l’envoi de deux exemplaires de l’œuvre qui vont être destinés à la Library of Congress.

La loi de 1989 va profondément modifier ces règles

Après l’adhésion des États-Unis à la Convention de Berne le 1er mars 1989, la loi de transposition exonère de formalités les actions en violation du copyright des œuvres dont le pays d’origine n’est pas les États-Unis.

Deux ensembles d’œuvres semblent ainsi se distinguer : les œuvres “étrangères”, tout d’abord, pour lesquelles les formalités de dépôt et d’enregistrement ne sont plus nécessaires et les œuvres américaines, ensuite pour lesquelles les formalités d’enregistrement continuent à être applicables.

En réalité, cette présentation des choses n’est pas conforme à la réalité.

La loi de transposition de la Convention de Berne (dite loi BCIA) n’a pas remis en cause l’article 412 qui dispose que l’enregistrement des œuvres est une condition préalable à l’attribution des dommages-intérêts légaux et des honoraires d’avocats. Or, cette exigence vaut, aussi bien pour les œuvres américaines, que les œuvres étrangères. Les dommages-intérêts légaux ou Statutory Damages peuvent représenter des sommes considérables (jusqu’à 100 000 $ par œuvre contrefaite), depuis notamment que le Congrès a décidé de doubler le montant de ces dommages-intérêts. Outre cet intérêt financier, le dépôt et l’enregistrement permettent toujours de faire présumer du copyright les œuvres étrangères. Par ailleurs, il permet au titulaire des droits de s’opposer à l’importation aux États-Unis d’œuvres contrefaites en adressant une demande écrite au service des douanes américaines.

L’évolution des formalités aux États-Unis est donc quelque peu contradictoire. Dans le même temps où les formalités constitutives du droit ont totalement disparues, le Congrès les a renforcées au niveau procédural.

Jean-Michel BRUGUIERE

1 Pour le Royaume-Uni voir par exemple UK Copyright Service.

Image par © momius sur Fotolia
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