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Actualité
25/11/14

Le recours à l’article 145 du CPC en matière d’abus de la liberté d’expression : un "mauvais Filon"

Il va falloir attendre avant de connaître le contenu de l’enregistrement de l’entretien des deux journalistes du Monde, Fabrice Lhomme et Gérard Davet , avec Jean-Pierre Jouyet, actuel secrétaire général de l’Elysée, au cours duquel ce dernier aurait mis en cause François Fillon.

Pour mémoire, tout a débuté le 6 novembre dernier par la publication par L’Obs d’extraits du livre intitulé « Sarko s’est tuer » -co-écrit par Fabrice Lhomme et Gérard Davet- faisant état de ce que, en pleine course à la présidence de l’UMP, François Fillon aurait demandé à Jean-Pierre Jouyet de faire pression sur le parquet pour qu’il accélère les procédures contre Nicolas Sarkozy afin d’empêcher son retour sur la scène politique.

A la suite de cette publication, François Fillon et Jean-Pierre Jouyet avaient immédiatement démenti.

Puis le 8 novembre, le Monde va publier, en Une, un article titré « Fillon a sollicité l’Élysée pour accélérer les poursuites judiciaires contre Sarkozy », contenant de longs extraits de l’entretien donné aux journalistes par Jean-Pierre Jouyet, qui aurait été enregistré par ces derniers.

C’est dans ce contexte que François Fillon a fait assigner les deux journalistes devant le juge des référés du Tribunal de grande instance de Paris, au motif que les propos qui lui sont imputés par ces derniers ont gravement porté atteinte à son honneur et à sa considération et demandait en conséquence, sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile, à ce que l’enregistrement de cet entretien soit remis entre les mains d’un expert indépendant, copié par ce dernier puis lui soit transmis.

L’article 145 du Code de procédure civile dispose que « s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès, la preuve de faits dont pourront dépendre la solution du litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées, à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé« .

Le juge des référés vient de rejeter sa demande de communication de l’enregistrement, considérant qu’elle n’est pas « légalement admissible« , à deux titres :

D’une part, elle ne l’est pas au regard des dispositions d’ordre public de la loi sur la presse. Le juge des référés a en effet considéré que « la demande de M. François FILLON d’obtenir l’enregistrement de l’entretien de M. Jean-Pierre JOUYET avec les défendeurs en date du 20 septembre 2014 ainsi que la transcription, se heurtent aux dispositions d’ordre public de la loi sur la presse, puisqu’il s’agit là d’un élément de nature à être qualifié d’offre de preuve susceptible d’être fournie par les deux journalistes dans le cadre d’une poursuite en diffamation, selon les formes et les délais des articles 55 et 53 de la loi du 29 juillet 1881″.

D’autre part, elle ne l’est pas non plus sur le fondement de l’article 1382 du Code civil que François Fillon invoquait également. On sait que selon une jurisprudence constante, les abus de la liberté d’expression ne peuvent être réprimés que sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881. C’est donc en toute logique que le juge des référés a considéré que « Quant à solliciter ladite mesure en vue d’une action fondée sur l’article 1382 du code civil, il est constant que la liberté d’expression dont « les abus » sont prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881, est un droit dont l’exercice ne peut être contesté sur le fondement de l’article 1382 du code civil ».

A titre subsidiaire, François Fillon sollicitait du juge des référés qu’il écoute l’enregistrement pour n’en extraire et transcrire que les éléments relatifs au déjeuner du 24 juin 2014 lors de l’entretien des journalistes avec Jean-Pierre Jouyet, le juge des référés a, là encore, refusé de faire droit à cette demande, considérant que « en droit de la presse, le juge n’a aucun pouvoir de provoquer, compléter ou parfaire l’établissement de la preuve ».

On ne peut que saluer l’orthodoxie juridique de cette décision, qui respecte les garanties procédures en matière d’abus prétendus de la liberté d’expression ainsi que le secret des sources des journalistes.

L’avocat de François Fillon a d’ailleurs indiqué que son client ne fera pas appel de cette décision.

La suite de l’affaire dans quelques mois, lors de l’examen des poursuites en diffamation engagées par François Fillon : c’est seulement à ce moment-là que l’on devrait connaitre le contenu de cet enregistrement, qui, selon les déclarations du conseil des journalistes du Monde, sera versé aux débats pour être diffusé à l’audience.

Pierre DEPREZ / Aurélie BREGOU
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