Conseil Constitutionnel, 20 juin 2014, n° 2014-404 QPC
Rappelons que jusqu’à présent, lorsqu’une société procède au rachat de ses propres actions, le traitement fiscal des sommes attribuées aux associés personnes physiques est différent en fonction de la procédure choisie.
Ainsi, lorsque le rachat est effectué en vue d’une réduction de capital non motivée par des pertes sur le fondement de l’article L 225-207 du Code de commerce, les sommes attribuées sont soumises à un régime de taxation associant à la fois une imposition suivant le régime des distributions et une imposition suivant le régime des plus-values. Il s’agit du régime fiscal de « droit commun » (article 109 1 2° du CGI).
Lorsque le rachat est effectué en vue d’une attribution aux salariés sur le fondement de l’article L 225-208 du Code de commerce ou d’un rachat d’actions sur le fondement des articles L 225-209 à L 225-212 (programmes de rachat d’actions), les gains réalisés par l’associé relèvent exclusivement d’une imposition suivant le régime des plus-values. Il s’agit du régime fiscal « dérogatoire » (article 112, 6° du CGI). Ce régime est en général le plus avantageux pour l’associé.
Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité relative à la différenciation de traitement fiscal des sommes perçues par un associé à l’occasion d’un rachat de titres par la société selon l’objectif poursuivi, le Conseil Constitutionnel a censuré cette différence de traitement fiscal, abrogé le régime dérogatoire à compter du 1er janvier 2015 et remis en cause ce système « hybride » de taxation pour les rachats intervenus en 2011, 2012 et 2013.
Le Conseil Constitutionnel a en effet estimé que la différence de traitement fiscal ne reposait ni sur une différence de situation entre les procédures de rachat ni sur un motif d’intérêt général en rapport direct avec l’objet de la loi et a considéré qu’elle méconnaissait les principes d’égalité devant la loi.
L’abrogation du régime dérogatoire a été fixée au 1er janvier 2015, afin de laisser au législateur le soin d’apprécier les suites à donner à cette décision qui peut ainsi :
Si l’abrogation a été fixée au 1er janvier 2015, le Conseil constitutionnel a néanmoins prévu une réserve d’interprétation pour la période antérieure à l’abrogation. Cependant, si aucun texte n’est intervenu le 1er janvier 2015, les sommes reçues à compter de cette date seront toutes taxées selon le régime de droit « commun » (revenus mobiliers/plus-values).
Par ailleurs, les sommes reçues avant le 1er janvier 2014 par les associés personnes physiques au titre des rachats d’actions seront imposées selon le régime des plus-values (régime « dérogatoire« ) qui est le plus avantageux pour les contribuables. La décision du Conseil précise que cette interprétation est applicable aux instances en cours (ce qui couvre les contribuables qui sont encore dans le délai de réclamation).
Les associés personnes physiques qui ont reçu des sommes lors d’opérations de rachat d’actions depuis 2011 (délai de prescription de droit commun) peuvent ainsi demander à être imposés selon le régime « dérogatoire » si le régime qui leur a été appliqué était moins favorable que celui des plus-values.
En ce qui concerne la période comprise entre le 1er janvier et le 31 décembre 2014, l’interprétation retenue pour la période antérieure au 1er janvier 2014 (ci-dessus) s’appliquera à défaut d’une intervention du législateur déterminant de nouvelles règles pour les sommes reçues avant le 1er janvier 2015. Il faudra donc patienter avant de connaitre définitivement le régime applicable aux rachats d’actions effectués au cours de l’année 2014.