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Intelligence Artificielle : quels enjeux juridiques ?
Actualité
29/1/16

L’Assemblée Nationale adopte, en première lecture, une "liberté de panorama" réduite à peau de chagrin

Le 21 janvier dernier, l’Assemblée nationale a adopté, en première lecture, le projet de loi pour une République Numérique. Parmi les dispositions votées, figure l’un des amendements visant à intégrer l’exception au droit d’auteur dite de la « liberté de panorama » dans le Code de la propriété intellectuelle, mais en la restreignant fortement.

Jusqu’ici, en France, les représentations et reproductions des œuvres – bâtiments, sculptures etc. – présentes dans l’espace public sont soumises au droit d’auteur. Ainsi, par principe, il est interdit de diffuser publiquement une photographie sur laquelle figure – autrement qu’en arrière-plan – une œuvre protégée par le droit d’auteur (Louvre, Tour Eiffel éclairée, Sculptures etc.), sans obtenir préalablement une autorisation des ayants droit de l’œuvre concernée. L’exploitation commerciale d’une telle photographie est d’autant plus interdite.

Pourtant, la liberté de diffuser ce type de photographies est reconnue dans certains pays en Europe. En effet, dans des pays comme l’Allemagne, la Suisse ou l’Espagne, ce qui est présent dans le panorama peut être librement photographié et diffusé. Ainsi, dès lors qu’une œuvre architecturale ou sculpturale se situe dans l’espace public, son image devient librement réutilisable.

En France, avec cet amendement de « liberté de panorama« , une nouvelle exception au droit d’auteur serait créée pour « les reproductions et représentations d’œuvres architecturales et de sculptures placées en permanence sur la voie publique, réalisées par des particuliers à des fins non lucratives« .

Cette disposition est cependant nettement moins ambitieuse que celle qui fut proposée par les députés écologistes et socialistes. En effet, l’exception est soumise à plusieurs conditions cumulatives .

La « liberté de panorama » doit être limitée aux « œuvres architecturales et aux sculptures placées en permanence sur la voie publique« . Cette restriction est imposée par la directive européenne 2001/29/CE du 22 mai 2001 sur le droit d’auteur qui autorise les Etats membres à prévoir une telle exception seulement « lorsqu’il s’agit de l’utilisation d’œuvres, telles que des réalisations architecturales ou des sculptures, réalisées pour être placées en permanence dans des lieux publics » (Article 5 § 3 (h) de ladite Directive). Ainsi, une photographie, un tableau ou toute autre œuvre exposée sur la place publique de manière temporaire ne rentreraient pas dans ce cas de figure.

Autre condition, la reproduction ou la représentation de la photographie doit être le fait d’un particulier. Cela signifie qu’une association ou une société quelconque ne pourra pas profiter de la nouvelle exception.

Enfin, l’amendement prévoit que la « liberté de panorama » est circonscrite à un usage à but « non lucratif« , excluant ainsi l’utilisation commerciale de ces images. Ainsi, la publication d’un livre ayant pour sujet principal des photographies représentant des monuments ou des sculptures ne sera pas possible sans l’autorisation de leurs auteurs. Cette notion d’usage à but « non lucratif » risque cependant de poser des problèmes concernant la diffusion d’images sur les réseaux sociaux, tant il est difficile d’affirmer ce qui présente un but lucratif ou non lucratif sur internet.

L’utilité de l’amendement apparaît toutefois discutable au regard du cadre actuel du droit de la propriété littéraire et artistique qui autorise d’ores et déjà certains usages des œuvres présentes dans l’espace public sans l’autorisation préalable de leurs auteurs.

Ainsi, l’article L. 122-5, 9° du code de la propriété intellectuelle institue une exception au droit d’auteur concernant « la reproduction ou la représentation, intégrale ou partielle, d’une œuvre d’art graphique, plastique ou architecturale, par voie de presse écrite, audiovisuelle ou en ligne, dans un but exclusif d’information immédiate et en relation directe avec cette dernière, sous réserve d’indiquer clairement le nom de l’auteur« . Seules sont exclues du champ de cette exception les œuvres, notamment photographiques ou d’illustration, qui visent elles-mêmes à rendre compte de l’information.

La jurisprudence admet également, depuis de nombreuses années, qu’une œuvre graphique ou plastique située dans un lieu accessible à tous peut être licitement reproduite ou représentée, même en totalité, lorsqu’elle ne constitue pas le sujet principal de la reproduction ou de la représentation. Il s’agit de la théorie dite de « l’accessoire » ou de « l’arrière-plan » consacrée par l’affaire de la Place des Terreaux (Cass. 1re civ, 15 mars 2005, n°03-14820) et confirmée notamment dans l’affaire concernant le documentaire « Être et avoir » (Cass. 1re civ, 12 mai 2011, n°08-20651) dans laquelle les juges autorisent la reproduction et la représentation d’une œuvre, pourtant protégée, quand celle-ci n’occupe qu’une place « accessoire » dans ce qui est offert au public.

Le nouvel amendement ne remet pas en cause la théorie juridique dite de « l’accessoire » ou de « l’arrière-plan« , et l’on s’interroge par conséquent sur son utilité.

De même, la condition relative à l’usage « par un particulier » fait qu’en pratique on se situera bien souvent dans le cas d’une copie privée, ou d’une représentation dans le cercle de famille, qui font déjà l’objet d’une exception.

Enfin, l’on peut se poser la question de la conformité de l’amendement récemment adopté avec le droit de l’Union européenne. En effet, si la directive européenne 2001/29/CE du 22 mai 2001 laisse la faculté aux Etats membres de prévoir ou non des exceptions au droit d’auteur c’est à la condition de les transposer exactement telles que prévues dans la directive. Or, l’amendement sur la « liberté de panorama » adopté en première lecture par le législateur français n’est pas conforme à ladite directive puisqu’il ajoute des conditions supplémentaires en limitant l’exception à des usages à but « non lucratif » effectués « par un particulier« .

De plus, la Commission européenne a annoncé, dans un communiqué de presse en date du 9 décembre 2015, vouloir prendre des mesures relatives à la « liberté de panorama« . Il serait peut-être été opportun d’attendre ces mesures avant de légiférer.

Rémi LASSALLE
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