Je pratique le droit de la presse depuis de longues années et je l’ai enseigné à Sciences Po jusqu’en 2014.
Dans le cours consacré à la liberté d’expression, j’exposais qu’elle est d’abord apparue comme une liberté individuelle, le prolongement indissociable de la liberté d’opinion, le droit pour un individu de choisir et élaborer les réponses qu’il entend donner à toutes les questions que lui pose la conduite de sa vie personnelle et sociale et d’en faire part à d’autres individus sans en être inquiété, pour devenir une liberté collective, le fondement d’une société démocratique.
L’enjeu de cet enseignement était de faire comprendre aux étudiants qu’en dépit d’un large consensus politique et de la protection rigoureuse apportée par le droit français et européen, cette liberté fondamentale est sans cesse menacée au niveau de l’individu comme au niveau de la collectivité et qu’elle ne peut jamais être considérée comme un acquis définitif dans une société évoluée.
La liberté d’expression doit se défendre chaque jour. Aujourd’hui des hommes libres, journalistes indéfectiblement attachés à la liberté d’opinion et de la presse et policiers chargés de protéger l’exercice de cette liberté, sont tombés sous les balles de fanatiques aveuglés par la haine.
Rendons d’abord hommage fortement et sincèrement à ceux qui, se sachant menacés, ont défié l’interdiction d’écrire et de parler librement et ont défendu notre liberté jusqu’à la mort. Charb l’avait affirmé mieux que quiconque : « Je préfère mourir debout que de vivre à genoux ».
Puis réfléchissons ensemble, sans peur et sans haine, aux moyens d’empêcher que les obscurantismes ne parviennent à détruire notre société démocratique.