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Actualité
17/10/24

La Cour de justice de l’Union européenne renforce la protection des consommateurs en matière d’annonces de réduction de prix

Le 26 septembre 2024, la Cour de justice de l’Union européenne (ci-après la « CJUE ») a rendu un arrêt dans lequel elle interprète l’article 6 bis, paragraphes 1 et 2, de la directive 98/6/CE relative à la protection des consommateurs en matière d'indication des prix, de manière très favorable aux consommateurs (CJUE, 26 septembre 2024, affaire C330/23).

L’affaire se concentrait sur une campagne promotionnelle lancée par l’enseigne de supermarchés Aldi Süd Dienstleistungs SE & Co. OHG (ci-après « Aldi »), à travers un prospectus détaillant des réductions sur deux produits. Le nouveau prix de chacun de ces articles était mis en avant, à proximité du dernier prix pratiqué. Celui-ci était barré et inscrit en plus petits caractères.

Pour le premier produit (des bananes), Aldi avait opté pour une communication réduction de prix classique : un rectangle blanc indiquait le pourcentage de réduction. Ce pourcentage avait été calculé à partir du dernier prix affiché. Pour le second produit (des ananas), un rectangle similaire comportait cette fois la mention « prix choc », sans mentionner aucun pourcentage de réduction.

Sous chacun des nouveaux prix, le prix le plus bas pratiqué par Aldi au cours des trente jours précédant la réduction était indiqué.

 

Campagne promotionnelle lancée par Aldi, détaillant des réductions sur deux produits

Pour rappel, l’article 6 bis de la directive 98/6/CE, tel que modifié par la directive 2019/2161, impose aux professionnels de mentionner dans toute annonce de réduction le "prix antérieur", défini comme le prix le plus bas appliqué dans les trente jours précédant la réduction. Ces dispositions ont été transposées en droit français à l’article L. 112-1-1 du code de la consommation.

Une association de consommateurs a saisi le tribunal régional de Düsseldorf (Allemagne) au motif que Aldi n’utilisait pas le « prix antérieur » (au sens de l’article 6 bis, paragraphe 2, de la directive 98/6) comme base pour déterminer la réduction de prix offerte au consommateur pour ces deux produits.

En effet, l’association reprochait à Aldi d’avoir calculé la réduction de prix sur la base du dernier prix de vente en vigueur, et non du prix le plus bas appliqué au cours des trente jours précédant la réduction.

En l’espèce, la juridiction de renvoi a hésité entre deux interprétations de l’article 6 bis, paragraphe 2, de la directive 98/6/CE :

  • Selon la première, l’indication du prix antérieur ne serait qu’une simple information à la disposition du consommateur ;
  • Selon la seconde, le prix antérieur devrait constituer la base de calcul de la réduction du prix. 

C’est dans ce contexte que le tribunal régional de Düsseldorf a décidé de poser deux questions préjudicielles, examinées ensemble par la CJUE, aux fins de savoir si :

« l’article 6 bis, paragraphes 1 et 2, de la directive 98/6 doit être interprété en ce sens qu’il exige qu’une réduction de prix d’un produit annoncée par un professionnel sous la forme soit d’un pourcentage, soit d’une mention publicitaire visant à mettre en avant le caractère avantageux du prix annoncé, soit déterminée sur la base du « prix antérieur », au sens du paragraphe 2 de cet article ».

Une interprétation visant à assurer un niveau élevé de protection des consommateurs

La CJUE commence par rappeler que, pour déterminer le sens et la portée d’une disposition du droit de l’Union, il faut tenir compte « notamment des objectifs spécifiques poursuivis par celle-ci ».

C’est pourquoi la Cour relève que les directives 98/6 et 2019/2161 renvoient expressément à l’article 38 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui tend à assurer un niveau élevé de protection des consommateurs. Concernant l’article 6 bis de la directive 98/6, elle considère que l’un de ses objectifs est d’« empêcher les professionnels d’induire en erreur le consommateur, en augmentant le prix pratiqué avant d’annoncer une réduction de prix et en affichant ainsi de fausses réductions de prix ».

Afin de respecter tant les objectifs spécifiques de la directive 98/6 que ceux de son article 6 bis, la CJUE retient que l’interprétation de cet article selon laquelle l’indication du « prix antérieur » ne serait qu’une simple information à la disposition du consommateur « permettrait aux professionnels […] d’induire les consommateurs en erreur par des annonces de réductions de prix qui ne seraient pas réelles […] ». Une telle interprétation serait « en contradiction avec l’objectif même de l’article 6 bis ».

La Cour en conclut donc que l’article 6, paragraphes 1 et 2, de la directive 98/6 exige que la réduction de prix d’un produit annoncée par un professionnel sous la forme d’un pourcentage ou d’une mention publicitaire visant à mettre en avant le caractère avantageux du prix annoncé soit déterminée sur la base du « prix antérieur », ce dernier étant entendu comme le prix le plus bas des trente jours précédant la réduction.

La protection des consommateurs contre les annonces de fausses réductions de prix

En retenant une telle interprétation de l’article 6 bis de la directive 98/6, la Cour entend protéger les consommateurs contre les pratiques des professionnels visant à annoncer de fausses réductions de prix, comme celles mises en œuvre par Aldi en l’espèce. En effet, les prospectus de la chaîne de supermarchés annonçaient une diminution du prix des ananas de 1,69 € (dernier prix appliqué) à 1,49 € (prix après réduction). Aldi qualifiait ce nouveau prix de « prix choc », alors que celui-ci restait supérieur de 0,10 € au prix le plus bas des trente jours précédant la réduction, qui était de 1,39 €.

De manière générale, les mentions publicitaires (comme l’expression « prix choc » utilisée par Aldi) doivent respecter les règles relatives aux pratiques commerciales déloyales (directive 2005/29), mais elles n’entrent pas dans le champ de l’article 6 bis de la directive 98/6. Toutefois, la Cour laisse entendre en l’espèce qu’une mention publicitaire suggérant aux consommateurs qu’une baisse de prix est opérée par rapport à un prix antérieurement pratiqué doit impérativement se conformer aux dispositions de l’article 6 bis, paragraphes 1 et 2, de la directive 98/6, et donc faire référence au prix le plus bas des trente jours précédant la réduction.

C’est pourquoi elle retient que « le prix de vente d’un produit présenté, dans une annonce, comme étant un prix réduit ne saurait être, en réalité, le même prix que ce « prix antérieur », voir supérieur à celui-ci ».

La sanction des annonces de réduction de prix non-conformes

Enfin, le tribunal régional de Düsseldorf avait initialement soutenu qu’il convenait d’apprécier si les annonces de réduction de prix fournies aux consommateurs étaient conformes aux dispositions de la directive 2005/29 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs, plutôt qu’à celles de la directive 98/6.

Cependant la CJUE rappelle que « l’article 6 bis de la directive 98/6 régit spécifiquement les aspects liés à l’indication, dans une annonce de réduction de prix, du prix antérieur et à la définition de celui-ci ». Par conséquent, une annonce de réduction de prix qui ne respecte pas les obligations de l’article 6 bis de la directive 98/6 doit être appréciée « au regard de cette disposition […] et non pas au regard des dispositions de la directive 2005/29 » relative aux pratiques commerciales déloyales.

Autrement dit, une annonce de réduction de prix non-conforme à l’article 6 bis de la directive 98/6 doit être considérée comme illicite, indépendamment de son caractère trompeur pour le consommateur. Il en va de même pour les annonces de prix non-conformes à l’article L. 122-1-1 du code de la consommation qui transpose ces dispositions en droit français.

Il ressort de tout ce qui précède que, aux fins de respecter les objectifs de la directive 98/6 et de son article 6 bis, paragraphes 1 et 2, la Cour de justice considère qu’il faut retenir une interprétation stricte de cet article afin de protéger au mieux les consommateurs. Ainsi, elle entend lutter contre les annonces de fausses réductions de prix, tant sous la forme d’un pourcentage que d’une mention publicitaire visant à mettre en avant le caractère avantageux d’une offre de prix.

Jean-Christophe ANDRÉ / Julien DUMILIEU
Image par Adobe Stock
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