Dans sa décision du 7 octobre 2015, la Cour d’Appel de Paris (Pôle 5, Chambre 4) a sanctionné le comportement parasitaire d’un site Internet de rencontres qui s’était fautivement placé dans le sillage d’un site concurrent.
Cette décision démontre, une nouvelle fois, l’efficacité du parasitisme pour sanctionner des comportements déloyaux commis dans la vie des affaires, en l’absence de toute atteinte à un droit de propriété intellectuelle.
Quels étaient les faits ?
La société Netuneed reprochait essentiellement à Monsieur R. de s’être livré au pillage de son travail et de son savoir-faire en reproduisant intégralement sur son site “dailyfriends.com” le plan, la structure, les fonctionnalités, l’agencement des rubriques et le contenu du site “onvasortir.com”.
De façon classique, Monsieur R. contestait la réalité des griefs formés contre lui en se plaçant sur un terrain probatoire.
Il exposait ainsi que la société Netuneed ne prouvait pas sous quelle forme son site existait antérieurement, ne rapportait pas la preuve d’une reprise à l’identique des caractéristiques revendiquées et était défaillante à établir qu’une « même impression d’ensemble » se dégageait des deux sites ; qu’enfin, les éventuelles ressemblances entre les sites résultaient uniquement d’éléments fonctionnels, présents dans de nombreux sites, etc.
Monsieur R. soutenait également que Netuneed ne prouvait pas avoir créé une “valeur économique” protégeable, ni avoir développé la première les caractéristiques et fonctions qu’elle revendiquait ; que des différents éléments revendiqués censés représenter le “savoir-faire” et “le fruit d’intenses efforts” de la société Netuneed se retrouvaient en réalité dans les sites concurrents et enfin que les termes ou fonctions revendiqués, seraient banals et inhérents au fonctionnement d’un site de sorties.
Fort justement, la Cour rejette cette défense centrée essentiellement sur le terrain de la preuve en rappelant que le parasitisme issu de la célèbre théorie du Professeur Letourneau, consiste « pour un agent économique à s’immiscer dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de la notoriété acquise ou des investissements consentis« , et en soulignant que « le parasitisme résulte d’un ensemble d’éléments appréhendés dans leur globalité, indépendamment de tout risque de confusion ».
La Cour constate tout d’abord que la notoriété du site “onvasortir.com” et son antériorité par rapport au site “dailyfriends.com”, créé entre mars et juin 2009, sont démontrées. Il apparaissait ainsi que le site “onvasortir.com”, exploité depuis le 16 avril 2005, avait développé un « concept original » consistant en un site de rencontres sur Internet combiné à un réseau social qui permet aux membres du site de proposer des sorties à réaliser à plusieurs ; cette notoriété était d’ailleurs étayée par un classement Alexa faisant apparaître que le site “onvasortir.com” était le 250ème site français le plus visité, avant celui d’Ebay et d’Amazon, ainsi que par deux articles de presse produits aux débats.
Cette notoriété et cette antériorité constitutives d’une valeur économique ayant été établie, la Cour n’a eu qu’à constater, entre les deux sites, de nombreuses ressemblances qui ne pouvaient à l’évidence être le fruit du hasard.
Au vu des copies d’écran versées aux débats par les parties, la Cour a ainsi relevé que « les pages d’accueil des deux sites sont quasiment similaires et que le plan, le contenu, le nom et l’agencement des rubriques sont quasiment identiques sur les deux sites« , et que les fonctionnalités “Mon journal” et “ Marquer la sortie à suivre” avaient été reprises sur le site “dailyfriends.com” par Monsieur R., qui ne contestait d’ailleurs pas être membre du site de “onvasortir.com” depuis le 11 janvier 2009…
Si des éléments rappelant le site “onvasortir.com” se retrouvaient bien sur des sites concurrents, la Cour note justement qu’aucun de ces sites ne reprend quasiment à l’identique la présentation, le plan, les fonctionnalités et le contenu de ce site, comme le fait “dailyfriends.com”.
Comme souvent dans les litiges en parasitisme, la faute du parasite se caractérise par un faisceau d’indices concordants, et par un examen comparatif impliquant plusieurs acteurs du marché, sans aucune nécessité d’établir un quelconque risque de confusion.
S’agissant du préjudice, la Cour rappelle qu’il s’infère nécessairement de la faute et que la charge de la preuve de l’entreprise victime de l’acte parasitaire s’en trouve allégée. Ainsi, après avoir relevé « que l’appelante ne produit aucun élément pour justifier le montant du préjudice qu’elle invoque« , la Cour rappelle que « cependant les faits de concurrence déloyale générateurs d’un trouble commercial impliquent l’existence d’un préjudice », trouble commercial qu’elle évalue à la somme de 8000€.