Par un arrêt du 8 janvier 2025, la chambre commerciale de la Cour de cassation s’est prononcée sur les suites juridictionnelles de l’entente dans le secteur des compotes, sanctionnée par une décision de l’Autorité de la concurrence en date du 17 décembre 2019 (Aut. conc. 7 déc. 2019, n° 19-D-24). Pour mémoire, à la suite d’une dénonciation effectuée dans le cadre du programme de clémence l’Autorité avait condamné les entreprises concernées à des amendes d’un montant cumulé de plus de 58 millions d’euros pour avoir pris part à une entente horizontale dans le secteur des fruits vendus en coupelles et en gourdes.
Le 6 octobre 2022 (CA Paris, 6 oct. 2022, n° 20-01494), la Cour d’appel de Paris avait partiellement réformé la décision de l’Autorité de la concurrence. Tout en rejetant les demandes d’annulation des entreprises sanctionnées, elle avait réduit la durée de l’infraction imputée à certaines parties et abaissé le montant de plusieurs sanctions pécuniaires.
Estimant que la Cour d’appel avait insuffisamment pris en compte la gravité de cette entente horizontale, l’Autorité avait formé un pourvoi en cassation. L’Autorité reprochait en particulier aux juges d’appel d’avoir retenu un taux de gravité (12 % de la valeur des ventes des produits concernés) inférieur à la fourchette (15 % à 30 %) préconisée dans son communiqué relatif à la méthodologie de détermination des sanctions (le « Communiqué Sanctions »).
La Cour de cassation a confirmé le raisonnement de la Cour d’appel de Paris, jugeant que cette dernière n’est pas tenue par la soft law de l’Autorité (I) notamment en raison de son pouvoir d’appréciation souverain à l’égard de la détermination du montant des sanctions (II).
Selon la Cour de cassation, bien que les communiqués explicitant à droit constant la méthode que l’Autorité envisage de suivre pour mettre en œuvre les critères de proportionnalité et d'individualisation des sanctions fixés par l'article L. 464-2, I du code de commerce constituent des lignes directrices qui lui sont opposables, ces dernières ne revêtent aucune valeur réglementaire.
La Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel sur ce point et rejette l’argumentation de l’Autorité, rappelant que la Cour d’appel de Paris est soumise aux seuls critères fixés par l’article L. 464-2, I, du Code de commerce, ainsi qu’aux principes fondamentaux de proportionnalité et d’égalité de traitement.
Toutefois, elle n’est pas tenue de suivre la méthode définie par l’Autorité de la concurrence dans ses textes de soft law, et en particulier dans son Communiqué Sanctions.
Ainsi, la Cour de cassation confirme que la cour d’appel pouvait valablement fixer un taux de gravité situé en dehors de la fourchette indiquée dans ledit communiqué de l’Autorité.
La Cour de cassation rappelle que la Cour d’appel dispose d’un pouvoir souverain d’appréciation de la proportionnalité des sanctions, sous réserve d’appliquer aux entreprises sanctionnées les mêmes critères d’individualisation des amendes, en prenant en compte notamment la valeur des ventes en lien avec l’infraction, la taille des entreprises et leur importance sur le marché.
C’est ce qu’avait fait la Cour d’appel dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation, de sorte que la critique de l’Autorité fondée sur l’existence d’une distorsion de concurrence entre les différences entreprises sanctionnées a été rejetée par la Cour de cassation.
Par cet arrêt, la Cour de cassation indique très clairement à l’Autorité de la concurrence qu’elle ne saurait prétendre imposer aux juridictions du fond l’application de sa propre méthodologie de sanction. La Cour d’appel dispose d’une marge d’appréciation dans la fixation des amendes et dans leur modulation, au titre de son contrôle de la proportionnalité des amendes prononcées en matière de droit de la concurrence.