Le paquet « restrictions horizontales » est composé des versions révisées des règlements d'exemption par catégorie applicables aux accords horizontaux de recherche et développement (règlement 2023/1066) et de spécialisation (règlement 2023/1067), ainsi que de nouvelles lignes directrices.
Ces deux règlements, qui sont entrés en vigueur le 1er juillet 2023, permettent d’exempter, sous certaines conditions, les accords concernés de l'interdiction des accords ou pratiques anticoncurrentielles prévue par l’article 101§1 TFUE. Si les modifications apportées aux règlements peuvent apparaître relativement mineures, elles ont néanmoins vocation à accroître leur clarté et faciliter leur utilisation.
S’agissant du règlement applicable aux accords de R&D, la Commission indique que les nouvelles règles devraient faciliter le calcul des parts de marché des entreprises parties aux accords susceptibles d’être exemptés.
S’agissant du règlement relatif aux accords de spécialisation, son champ d’application a été étendu à de nouveaux types d’accords (e.g. accords de durabilité et accords de partage d’infrastructures de télécommunications mobiles) conclus par plus de deux parties.
Les lignes directrices ont quant à elles été mises à jour afin d’intégrer les derniers développements jurisprudentiels et ont été complétées, notamment avec l’ajout d’un nouveau chapitre sur les accords de développement durable et d’une nouvelle section sur les accords de partage d’infrastructures de télécommunications mobiles.
Dans un communiqué en date du 25 juillet 2023, l’ADLC a annoncé avoir notifié un grief au groupe Apple qui se voit reprocher « d’avoir abusé de sa position dominante par la mise en œuvre de conditions discriminatoires, non objectives et non transparentes en matière d’exploitation des données des utilisateurs à des fins publicitaires ».
Les pratiques en cause auraient été mises en œuvre dans le secteur de la distribution d’applications sur les terminaux mobiles et seraient susceptibles d’avoir des effets sur plusieurs marchés connexes de services publicitaires et de services aux consommateurs.
Pour rappel, l’ADLC, saisie le 23 octobre 2020 par plusieurs associations représentant différents acteurs de la publicité, avait rejeté une demande de mesures conservatoires tout en décidant de poursuivre l’instruction au fond.
Le groupe Apple dispose d’un délai de 2 mois pour contester le grief à compter de la date de sa notification, sauf à opter pour une procédure de transaction dont l’intérêt n’est parfois pas évident pour les entreprises poursuives.
Le 15 mai dernier, le groupe Areas a notifié à l’ADLC un projet de concentration conduisant à la prise de contrôle exclusif de la société Sirestco. Les parties à l’opération sont principalement actives dans le secteur de la restauration de concession sur les aires d’autoroutes, d’une part, sur le marché amont de l’attribution de concession de services de restauration sur autoroutes et, d’autre part, sur le marché aval de la fourniture de services de restauration sur autoroute.
Si l’ADLC a écarté tout risque d’atteinte à la concurrence sur le marché amont, elle a en revanche soulevé des préoccupations de concurrence sur le marché aval.
En effet, face au renforcement de la position de la nouvelle entité sur deux autoroutes (part de marché supérieure à 50%) et à l’absence d’une concurrence alternative suffisante, l’ADLC craignait une hausse des prix et une réduction de la qualité de l’offre.
En conséquence, la partie notifiante s’est engagée à céder le contrat de sous-concession de l’aire de Troyes-Fresnoy (autoroute A5), à transférer le contrat de location-gérance portant sur l’exploitation de la boutique « Casino Everyday » et à conclure un contrat de tierce-exploitation pour les activités de restauration sur l’aire du Loiret (autoroute A19).
Le 25 juillet 2023, la Commission européenne a annoncé l’ouverture d’une enquête formelle afin de déterminer si le groupe Vivendi a pu violer les obligations de notification et de suspension prévues par les articles 4 et 7 du règlement (CE) n°139/2004.
En outre, alors que la décision d’autorisation de la concentration était assortie d’engagements de cession d’actifs prévoyant explicitement que la Commission devait approuver les acquéreurs des activités cédées avant la réalisation effective de la concentration, Vivendi aurait réalisé l’opération sans la moindre approbation de la Commission quant aux profils des acquéreurs, le processus d’agrément étant toujours en cours.
Le 12 juillet 2023, la Commission a infligé des amendes de 432 millions d'euros à Illumina et de 1 000 euros à Grail pour avoir réalisé leur projet de concentration avant qu'il ne soit autorisé par la Commission. Le 22 juillet 2021, la Commission avait annoncé l’ouverture d’une enquête approfondie au sujet de l'acquisition de Grail par Illumina.
En septembre 2022, à l’issue de cette enquête, la Commission avait interdit l'opération, de crainte qu'elle n’ait des effets anticoncurrentiels importants, notamment en freinant l'innovation et en réduisant le choix sur le marché émergent de tests sanguins de détection précoce du cancer
Pourtant, en violation directe de l’obligation de suspension prévue à l’article 7 du règlement (CE) n°139/2004, Illumina avait annoncé publiquement en août 2021 que l'acquisition de GRAIL était finalisée.
En réponse à ces agissements « très grave et sans précédent », la Commission a infligé à l’entreprise Illumina une amende correspond au maximum légal, soit 10% de son chiffre d’affaires.
S’agissant de Grail, qui aurait joué un rôle actif dans la commission de cette infraction, elle a été condamnée au paiement d’une amende de seulement 1 000€ qui a une portée symbolique puisque c’est la première fois qu’une entreprise cible est condamnée pour gun jumping. Il est à noter qu’une telle sanction de la cible ne pourrait pas être prononcée par l’ADLC, l’article L. 430-8 du Code de commerce prévoyant que seules « les personnes auxquelles incombait la charge de la notification » peuvent se voir infliger une amende.
L’ADLC pourrait en revanche sanctionner à la fois l’acquéreur et la cible au titre de la prohibition des ententes anticoncurrentielles en cas d’échange d’informations stratégiques, s’ils sont des concurrents actuels ou potentiels.
La Commission estime qu’en intégrant son logiciel Teams dans ses suites populaires pour les entreprises Office 365 et Microsoft 365, Microsoft aurait abusé de la position dominante qu’il détient sur le marché des logiciels de productivité et d’entreprise.
Plus particulièrement, la Commission redoute que Microsoft (i) n’accorde à Teams un avantage en matière de distribution en ne donnant pas le choix au consommateur d’inclure ou non ce produit à son abonnement et (ii) limite l’interopérabilité entre ses suites de logiciels et les produits concurrents de Teams. En réponse, Microsoft a annoncé qu’il allait retirer Teams de ses suites Office 365 et Microsoft 365 à compter du 1er octobre 2023.
Dans un arrêt rendu le 6 juillet 2023, la Cour d’appel de Paris a rejeté le recours formé par la société ADREXO contre une décision de l’ADLC qui s’était déclaré incompétente pour se prononcer sur la conformité au droit de la concurrence de pratiques mises en œuvre par La Poste dans le secteur des courriers adressés.
En l’espèce, la société ADREXO, dont la principale activité réside dans la distribution d’imprimés sans adresse, avait saisi l’ADLC pour dénoncer un potentiel abus de position dominante de La Poste qui propose un service identique, lequel ne relèverait pas selon elle du service universel postal et ne devrait donc pas bénéficier d’une exonération de TVA.
La Cour d’appel confirme qu’il n’appartient pas à l’ADLC d’apprécier si ces prestations relèvent ou non du service universel postal et suggère à la plaignante de s’adresser au régulateur compétent, à savoir l’ARCEP.
Dans un arrêt en date du 4 juillet 2023, la CJUE rappelle qu’aucune disposition n’interdit aux autorités nationales de concurrence de constater, dans le cadre de l’examen de pratiques au regard de l’abus de position dominante, leur non-conformité à des normes autres que celles relevant du droit de la concurrence.
En revanche, les autorités nationales de concurrence n’ont pas vocation à se substituer aux différentes autorités de contrôle. Ainsi, elles doivent se limiter à relever une violation aux différentes normes, en l’espèce au RGPD, aux seules fins de constater un abus de position dominante et à imposer les mesures nécessaires pour faire cesser cet abus.
Par ailleurs, cette possibilité reconnue aux autorités nationales de concurrence doit s’effectuer dans le cadre d’une coopération loyale (article 4§3 du TFUE) avec les autorités sectorielles de contrôle.
➡️ Retrouvez le FOCUS du Flash Antitrust n°10 : CJUE 29 juin 2023 : une pratique de prix imposés ne constitue pas nécessairement une restriction par objet