Marine Le Pen avait annoncé qu’elle allait poursuivre en justice tous ceux qui la traiteraient de fasciste ou d’antisémite. C’est effectivement ce qu’elle a fait. Ce qui a donné lieu à notamment quatre décisions rendues ces derniers mois par la 17ème chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de Paris, chargée des affaires de presse.
Ces décisions tantôt retiennent le caractère polémique ou humoristique des propos pour prononcer la relaxe, tantôt l’excluent, pour entrer en voie de condamnation.
Nous avions évoqué dans un précédent article la décision rendue à l’encontre de Jean-Luc Mélenchon, aux termes de laquelle le Tribunal l’avait relaxé pour avoir utilisé à l’encontre de Marine Le Pen le terme « fasciste ».
Le tribunal avait considéré que « si le terme « fasciste » peut prendre une connotation outrageante quand il est utilisé en dehors de tout contexte politique ou s’il est accompagné d’autres termes dégradants, il est, en revanche, dépourvu de caractère injurieux lorsqu’il est employé entre adversaires politiques sur un sujet politique ».
Il précisait que le terme « fasciste » se situait « dans le cadre d’un débat d’idées et d’une polémique sur la doctrine et le rôle d’un parti politique, sur lesquels Jean-Luc Mélenchon pouvait légitimement faire valoir son opinion (…) sans dépasser les limites autorisées de la liberté d’expression en la matière ».
Nous avions également relaté l’affaire qui avait opposé Marine Le Pen à Laurent Ruquier, dans laquelle la chambre de la presse avait refusé de reconnaitre le caractère humoristique d’un dessin montrant Marine Le Pen au sein d’un arbre généalogique en forme de croix gammée et avait condamné en conséquence Laurent Ruquier pour injure.
Plus récemment, Nicolas Bedos qui avait utilisé à l’encontre de Marine Le Pen le terme « salope fascisante« dans une chronique publiée dans Marianne a été relaxé au motif qu’il était « parfaitement clair pour tout lecteur que la chronique en cause se situe dans un registre aux accents délibérément provocateurs et outranciers, revendiqué comme tel ».
Voici une nouvelle décision rendue le 12 juin dernier, aux termes de laquelle l’ancien président de SOS Racisme, Dominique Sopo, a été condamné pour diffamation à l’encontre de Marine Le Pen pour avoir, dans un communiqué publié sur le site Internet de SOS Racisme, critiqué la présence de la présidente du Front National à un bal qualifié d’ « antisémite » à Vienne en janvier 2012.
En défense, le prévenu arguait de la polémique autour de la présence de Marine Le Pen lors de ce bal organisé par Martin Graf, membre du FPÖ, présenté dans le communiqué comme l’un des « représentants les plus durs et violents de l’extrême droite européenne ».
Le tribunal a estimé que les éléments soulevés par la défense sont « insuffisants à justifier de la réputation contestée des organisateurs du bal et singulièrement du membre du parti autrichien à l’invitation duquel Marine Le Pen aurait répondu ».
Ces quatre décisions traitent donc soit du caractère humoristique des propos tenus, soit du contexte polémique dans lequel ils ont été prononcés. Pourtant le caractère humoristique est dans une décision retenu (Nicolas Bedos) mais ne l’est pas dans une autre (Laurent Ruquier) ; et de même le contexte polémique est retenu dans une des affaires (Jean-Luc Mélenchon) mais non dans la seconde (Dominique Sopo).
Difficile donc, à la lecture de ces décisions, d’arriver à déterminer une ligne de partage très claire entre ce qui relève de l’injure ou de la diffamation et ce qui y échappe en raison du caractère polémique ou humoristique des propos.