André-Pierre Gignac, footballeur international français, qui évolue au poste d’attaquant à l’Olympique de Marseille, traine une réputation de gourmand qui lui a longtemps valu d’être raillé pour son physique jugé trop lourd, à telle enseigne que les supporters du Paris Saint Germain, club rival de l’OM, lui avait même inventé une petite comptine « Un Big Mac pour Gignac« .
A l’époque, André-Pierre Gignac avait réagi avec humour, en postant sur son compte Twitter une photographie de lui avec un Big Mac et déclarant « Maintenant, j’espère que McDo va m’appeler pour me proposer un contrat pub« .
Et bien ce n’est pas Mac Do qui s’est saisie de cette occasion pour associer son image à celle de Gignac, mais l’un de ses principaux concurrents, Burger King, qui a fait récemment paraitre dans les journaux La Provence et Direct Matin ainsi que sur son compte Twitter une publicité représentant son hamburger emblématique « Le Whopper« , accompagné du slogan « Un Whopper pour Gignac« , le tout pour promouvoir l’ouverture d’un nouveau restaurant à Marseille.
Seul et gros hic : André Pierre Gignac n’a pas donné son accord en vue de cette utilisation et a semble-t-il bien moins apprécié de voir son nom utilisé par Burger King que par les supporters du PSG.
Il aurait en effet entrepris des démarches auprès de Burger King pour obtenir réparation de cette atteinte à l’un de ses droits de la personnalité : le droit au nom.
L’article 9 du Code civil dispose que « chacun a droit au respect de sa vie privée« . Si le nom échappe à la sphère privée, lorsqu’il est simplement utilisé dans sa fonction d’identification d’une personne, pour autant, son utilisation à des fins commerciales sans l’accord de son titulaire peut être sanctionnée sur le fondement de l’article 9 du Code civil.
Le préjudice s’apprécie alors dans la personne qui subit le dommage. Le dommage patrimonial résulterait ici de l’utilisation du nom d’André-Pierre Gignac à des fins publicitaires sans qu’en ait été payé le prix. Son appréciation devrait également tenir compte de l’étendue de la campagne publicitaire ainsi que de l’effet de « buzz » recherché par Burger King. Dans l’affaire qui avait opposé Nicolas Sarkozy et Carla Bruni à la compagnie aérienne Ryanair, au sujet d’une publicité dans laquelle cette dernière avait utilisé leur image sans leur autorisation pour faire la promotion de vols à bas prix, le juge avait tenu compte de l’effet de « buzz » pour évaluer leur préjudice. Les répercussions médiatiques d’une publicité hors-la-loi et revendiquée comme telle, entrent naturellement dans la consistance du dommage patrimonial, même si elles ne sont pas directement le fait de l’auteur de la publicité.
Le parquet de Paris vient de faire citer à comparaitre le directeur de la publication du magazine Minute, pour injure publique à caractère racial, devant le tribunal correctionnel de Paris.
On se souvient qu’au mois de novembre 2013, le magazine avait publié en Une de couverture une photographie de Christiane Taubira, titrée : « Maligne comme un singe, Taubira retrouve la banane« .
SOS Racisme, la Ligue contre le racisme et l’antisémitisme (Licra) et le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap) avaient alors déposé plainte pour injure à caractère racial.
Toutefois par application de l’article 48-1, alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, lorsque l’injure vise une personne particulière et non un groupe de personnes, les associations de lutte contre le racisme ne peuvent engager une procédure qu’avec l’accord de la personne. Or, Christiane Taubira, n’ayant pas souhaité engager elle-même de poursuites, elle n’avait pas non plus donné son accord à ces associations.
C’est finalement le Premier ministre de l’époque, Jean-Marc Ayrault, qui avait saisi le procureur de la République de Paris, qui a ouvert une enquête préliminaire sur ces faits.
A l’époque le directeur de la publication de Minute avait déclaré « Nous ne sommes pas du tout racistes« , évoquant une couverture, certes de « mauvais goût« , mais satirique.
L’injure publique à caractère racial est prévue et sanctionnée par les articles 29, alinéa 2 et 33, alinéa 3 de la loi du 29 juillet 1881. Comme pour tous les délits de presse, c’est le directeur de la publication qui est l’auteur principal, par application de l’article 42 de cette même loi.
Ce délit pourrait être caractérisé en l’espèce en raison de la comparaison de Christiane Taubira à un singe.
En effet, si le journal a accolé deux expressions qui pourraient être prises au sens figuré, sur un « mode humoristique« , comme le plaidera certainement Minute, le juge recherchera quelle a été la véritable intention de l’auteur de cette Une et pourrait, dans le contexte tout à fait particulier de l’époque, Christiane Taubira faisant l’objet d’attaques racistes répétées, considérer que la comparaison est ici faite au sens propre, en considération des origines africaines de Christiane Taubira.
Par comparaison, dans l’affaire dite du « Gros zébu fou« , Jean-Marie Le Pen avait qualifié l’ancien président de SOS Racisme d’origine africaine de « gros zebu fou« . La partie civile soutenait que cette injure qui faisait intervenir un animal de la savane africaine avait été choisie à raison de ses origines, Jean Marie Le Pen soutenant au contraire qu’il ne s’agissait que d’une référence à un animal ardent, et non aux origines africaines de la partie civile, ce qui excluait par là même le caractère racial de l’injure. La Cour d’appel de Paris a tranché en faveur de la partie civile, considérant que cet animal était assimilé dans le langage courant à un « bovidé de la faune africaine« , de sorte que les origines africaines de la partie civile étaient à l’évidence visées. (CA Paris, 11ème chambre, 7 janvier 1998 et Crim. 13 avril 1999, pourvoi n°98-81625).
Le directeur de la publication de Minute risque jusqu’à 22.500 euros d’amende. Une peine de prison est également prévue par la loi mais en matière de délits de presse, elle reste très théorique. Le magazine pourrait également être condamné à publier un communiqué judiciaire.
La tradition du carnet rose est propre à la presse populaire mais pas uniquement …
Le magazine Minute a en effet annoncé la semaine dernière la grossesse supposée de Marion Marechal Le Pen, députée Front national du Vaucluse, ce qui n’a guère plu à cette dernière qui vient d’annoncer qu’elle allait poursuivre en justice le magazine pour atteinte à l’intimité de sa vie privée.
Pour sa défense, le magazine invoquera certainement les déclarations de Jean-Marie Le Pen, lors d’un récent meeting à Saint Etienne, qui semble avoir confirmé cette grossesse : « II y a 25 ans que j’aurais dû prendre ma retraite, mais je suis toujours au taf car j’ai la foi. Je le fais pour mes enfants, mes petits-enfants et peut-être bientôt mes arrière-petits-enfants« .
Ces déclarations sont cependant postérieures à la parution du magazine Minute. Si elles pourraient être de nature à relativiser le montant des dommages et intérêts qui devraient être alloués à Marion Maréchal Le Pen, l’atteinte à la vie privée nous parait toutefois constituée.
La jurisprudence a déjà eu en effet l’occasion de juger que l’annonce d’un état de grossesse réel ou supposé de la femme d’un chanteur constitue une immixtion grave dans la sphère la plus intime de la vie privée, dès lors que ces informations ne résultent nullement d’un constat tiré d’une apparence physique décelable, ni d’une déclaration de la personne en cause (TGI Nanterre, 1ère chambre, 14 septembre 2006).
Ou encore, à propos de la grossesse d’une chanteuse, que la presse ne peut ériger en événement d’actualité la grossesse d’une chanteuse, alors que la maternité constitue l’un des aspects de la vie privée touchant à son intimité et que l’intéressée n’a donné aucune publicité démonstrative à sa grossesse, non décelable à l’époque de l’article, date à laquelle il convient de se placer pour apprécier la faute. Il s’ensuit que cette publication ne répond nullement aux nécessités de l’information et constitue une intrusion fautive dans la sphère de l’intimité de la vie privée (TGI Nanterre, ord. réf., 4 juillet 2003).
En décembre 2012, le chanteur Bob Dylan avait été mis en examen pour « complicité d’injures publiques et de provocation à la haine raciale« , délits prévus et réprimés par les articles 33 et 24 de la loi du 29 juillet 1881, suite à une interview parue dans la version française du magazine « Rolling Stone« .
Amené à parler de son engagement dans la défense des afro-américains, Bob Dylan avait déclaré : « Si vous avez du Ku Klux Klan dans le sang, les Noirs peuvent le sentir, même encore aujourd’hui. Tout comme les juifs peuvent sentir le sang nazi et les Serbes le sang croate ».
Le Conseil représentatif de la communauté et des institutions croates de France (CRICCF), qui avait vu dans cette phrase un parallèle entre le peuple croate et le régime nazi, avait déposé plainte contre le chanteur.
Or, le juge d’instruction vient de prononcer un non-lieu au bénéfice de Bob Dylan, considérant que le chanteur avait donné son accord pour la publication de l’interview dans la version américaine du magazine, en anglais, mais pas pour la publication de sa traduction en français dans la version française du magazine.
On sait en effet que les infractions prévues par la loi du 29 juillet 1881 constituent des délits intentionnels. En l’absence d’accord d’une personne à la publication de ses propos ou aux modalités de publication de ceux-ci, elle ne peut donc être tenue pour responsable d’un délit de presse à défaut d’intention coupable.
La Cour de cassation a déjà jugé à cet égard que « Justifie sa décision la cour d’appel qui, pour renvoyer un prévenu des fins d’une poursuite pour complicité de provocation à la haine raciale, retient que, s’il n’est pas discuté que le prévenu avait été interviewé par les journalistes d’un quotidien, il n’est pas établi qu’il avait été informé que son interview ou des extraits seraient diffusés sur le blog du journal ». (Crim. 10 nov. 2009 ; D. 2010. AJ 1; AJ pénal 2010. 36).
Le directeur de la publication du magazine « Rolling Stone » en sa qualité d’auteur principal des délits de presse poursuivis, devrait être lui renvoyé devant le Tribunal correctionnel.