Le 14 novembre 2024, le Sénat a adopté en première lecture, par 340 voix pour et aucun contre, une proposition de loi visant à renforcer le cadre juridique du démarchage téléphonique. Ce texte, déposé par le sénateur Pierre-Jean Verzelen et plusieurs de ses collègues, marque une évolution importante en imposant un consentement préalable pour toute prospection commerciale par téléphone.
Le démarchage téléphonique, défini à l'article L.221-16 du Code de la consommation comme "la démarche d'un professionnel qui contacte un consommateur par téléphone en vue de conclure un contrat portant sur la vente d’un bien ou la fourniture d’un service", est actuellement encadré par plusieurs dispositifs législatifs.
Parmi eux figurent la loi n° 2014-344, dite « Hamon », du 17 mars 2014 et la loi n° 2020-901, dite « Naegelen », du 24 juillet 2020, qui ont introduit des limites concernant les horaires, les fréquences d'appels, ainsi que des interdictions sectorielles comme celles touchant à la rénovation énergétique ou au compte personnel de formation.
Malgré ces mesures, le dispositif existant souffre de nombreuses lacunes. Le système d'opt-out, qui repose sur une opposition a posteriori des consommateurs, montre ses limites.
La liste Bloctel, censée protéger les particuliers des sollicitations abusives, reste sous-utilisée, avec seulement 9 % des Français inscrits, selon les données récentes. De plus, les infractions restent courantes et souvent difficiles à sanctionner, notamment en raison des pratiques de contournement par des donneurs d’ordre établis à l’étranger.
La proposition de loi vise à passer d’un régime d’opt-out à un régime d’opt-in, imposant ainsi un consentement explicite des consommateurs avant tout démarchage téléphonique. Cette mesure obligera les professionnels à recueillir individuellement ce consentement.
En parallèle, des sanctions renforcées sont prévues pour les abus, notamment cinq ans d’emprisonnement et une amende pouvant atteindre 500 000 euros, ou jusqu’à 20 % du chiffre d’affaires annuel moyen de l’entreprise fautive.
Le texte introduit également de nouvelles règles pour limiter les sollicitations abusives. Les appels ne pourront pas dépasser deux tentatives sur une période de 60 jours. Les plages horaires seront restreintes à sept heures maximum par jour. Enfin, l’inscription automatique des numéros fixes sur liste rouge est prévue pour renforcer la protection des consommateurs.
Par ailleurs, des dispositions spécifiques ont été incluses pour empêcher tout contournement. Par exemple, les entreprises ne pourront pas subordonner la vente d’un produit ou d’un service à l’acceptation d’un démarchage téléphonique par le consommateur.
La version initiale de la proposition de loi incluait la création d’une liste de consentement dédiée, mais cette mesure a été jugée non conforme aux critères du RGPD, notamment en raison de l'exigence de spécificité du consentement.
Sur le plan économique, ce dispositif aurait également pu entraîner une destruction significative d’emplois dans les centres d’appels, où entre 29 000 et 40 000 emplois sont directement concernés.
Pour éviter ces impacts négatifs tout en respectant l’esprit de la réforme, la commission des lois du Sénat a proposé un compromis : supprimer la liste de consentement en faveur d’un consentement recueilli directement par les professionnels, sur une base individuelle. Ce dispositif vise à concilier une meilleure protection des consommateurs tout en préservant les emplois du secteur.
La proposition de loi doit être examinée par l’Assemblée nationale avant d’être adoptée. Les débats à venir à venir devront toutefois affiner les modalités d'application pour garantir une mise en œuvre efficace tout en préservant l’équilibre économique du secteur des centres d’appels.