Après l’introduction d’une première action de groupe « consommation » par la loi du 17 mars 2014 dite « loi Hamon » dans l’arsenal juridique français, la loi n°2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a introduit une deuxième action de groupe en matière de santé (articles L. 1143-1 à L.1143-22 du Code de la santé publique – ci-après « CSP »), laquelle entrera en vigueur au plus tard le 1er juillet 2016.
Ce dispositif, désormais validé par le Conseil constitutionnel1, permet aux associations d’usagers du système de santé agréées d’agir en justice (devant les juridictions judiciaires ou administratives en fonction de la personne du défendeur : hôpital public ou clinique, laboratoire pharmaceutique, etc.), afin d’obtenir la réparation des préjudices individuels subis par des usagers placés dans une situation similaire ou identique et ayant pour cause commune un manquement (i) d’un producteur ou d’un fournisseur d’un produit de santé visé à l’article L.5311-1 du CSP ou (ii) d’un prestataire utilisant l’un de ces produits à leurs obligations légales ou contractuelles (article L.1143-1 du CSP).
Le champ d’application de ce dispositif est relativement étendu puisque l’article L.5311-1 du CSP vise au sens large les « produits à finalité sanitaire destinés à l’homme et les produits à finalité cosmétique« , ce qui inclut notamment les médicaments, les huiles essentielles et plantes médicinales, les dispositifs médicaux, les produits sanguins, les produits cosmétiques et de tatouage, ou encore les logiciels d’aide à la prescription.
A la différence de l’action de groupe « consommation« , laquelle permet uniquement la réparation des préjudices patrimoniaux résultant de dommages matériels, seuls les dommages corporels sont concernés par l’action de groupe « santé« .
Les actions peuvent être directement exercées contre l’assureur garantissant la responsabilité civile du professionnel concerné (article L.1143-20 du CSP).
La phase de jugement sur la responsabilité du professionnel suit la même logique que celle de l’action de groupe « consommation » : après avoir vérifié que les conditions de recevabilité sont réunies et statué sur la responsabilité, le juge définit les contours du groupe concerné ainsi que les critères de rattachement et les dommages susceptibles d’être réparés.
Après l’épuisement des voies de recours, le juge qui reconnait la responsabilité du professionnel ordonne des mesures de publicité à la charge de ce dernier afin d’informer de cette décision les personnes susceptibles d’avoir subi un dommage.
Une fois informés du jugement, les usagers concernés pourront choisir d’adhérer au groupe dans un délai fixé par le juge (technique de l’opt-in), qui ne peut être inférieur à 6 mois et supérieur à 5 ans. Le délai est nettement plus long que celui prévu par le Code de la consommation (de 2 à 6 mois, article L.423-5), afin de tenir compte de la durée de consolidation des préjudices. Cette première phase peut donc s’avérer relativement longue.
Dans un souci de règlement amiable des litiges et une accélération de l’indemnisation des victimes d’un même dommage, le juge peut également, avec l’accord des parties, donner mission à un médiateur de proposer aux parties une convention réglant les conditions d’une indemnisation amiable (article L.1143-6 du CSP). L’homologation de la convention par le juge met fin à l’action.
A défaut de règlement amiable du litige, les professionnels déclarés responsables par le jugement procèdent à l’indemnisation individuelle des usagers.
Si la demande d’indemnisation individuelle des usagers ayant adhéré au groupe n’est pas satisfaite, ces derniers devront introduire une action en justice individuelle devant le juge ayant statué sur la responsabilité du professionnel (article L.1143-12). Ce système diffère de celui de l’action de groupe « consommation« , lequel prévoit que le juge initialement saisi de l’action de groupe statue dans un même jugement sur toutes les demandes d’indemnisation auxquelles le professionnel n’a pas fait droit. Cette différence s’explique par la nécessité de prendre en compte les spécificités de chaque action individuelle dans le cadre de l’action de groupe « santé ».
L’engouement pour le principe de l’action de groupe ne semble donc pas faiblir. Toutefois, compte tenu des délais procéduraux et des nécessaires expertises, cette nouvelle class-action à la française ne permettra pas a priori une indemnisation rapide des victimes.
1 Décision n°2015-727 DC du 21 janvier 2016, considérant 99