La protection des créations assistées par l'intelligence artificielle (IA) par le droit d'auteur demeure un enjeu majeur et controversé. L'affaire récente de "A Single Piece of American Cheese", enregistrée auprès de l'U.S. Copyright Office (USCO), a marqué une étape significative en reconnaissant pour la première fois qu'une œuvre générée par une IA pouvait être protégée dès lors qu'une intervention humaine substantielle dans le processus créatif était démontrée. Cet article explore comment la blockchain peut, voire doit, jouer un rôle central dans l'administration de la preuve de cette intervention humaine, simplifiant et sécurisant ainsi l'accès à la protection par la propriété intellectuelle.
Dans sa décision du 30 janvier 2025, l'USCO a accepté l'enregistrement de l'œuvre "A Single Piece of American Cheese" produite à l'aide de l'outil d'intelligence artificielle Invoke AI. Initialement refusé, l'enregistrement a finalement été accordé après que l'auteur, Kent Keirsey, a pu démontrer son rôle actif dans la sélection, la coordination et l'arrangement de l'œuvre via une technique d'édition d'image dite "inpainting". L'élément clé de cette reconnaissance fut la fourniture de preuves audiovisuelles attestant de l'implication humaine dans le processus créatif.
Cette décision, qui marque une inflexion par rapport aux rejets antérieurs (notamment l'affaire "Thaler c. Perlmutter" et la non-reconnaissance de "Théâtre d'Opéra Spatial"), confirme que la paternité d'une œuvre assistée par une IA est conditionnée à l'apport humain démontrable. Toutefois, si l'usage de vidéos a été déterminant dans cette affaire, d'autres solutions, notamment issues de la blockchain, offrent des méthodes plus robustes et simplifiées pour attester de l'intervention humaine.
La blockchain se présente comme une solution idéale pour tracer et prouver l'implication humaine dans la création assistée par IA. Contrairement aux vidéos, qui nécessitent une collecte, un stockage volumineux et une vérification manuelle, la blockchain permet une consignation infalsifiable et automatique de chaque interaction avec l'outil d'IA.
Des outils tels que ceux développés par la legal tech française BlockchainYourIP illustrent cette capacité. En s'interconnectant avec les systèmes d'IA générative (Midjourney, DALL-E, etc.), ces solutions permettent d'enregistrer de manière sécurisée et horodatée :
La combinaison blockchain/IA apparaît aujourd'hui d'autant plus opportune que les juridictions reconnaissent désormais la valeur probante des preuves issues de la blockchain. Une illustration marquante en est la décision du Tribunal judiciaire de Marseille du 20 mars 2025, qui a condamné la contrefaçon de créations de mode signées Alber Elbaz, commercialisées par sa société AZ Factory.
Ce jugement est remarquable en ce qu'il constitue la première reconnaissance en France de la valeur probante d'un dépôt blockchain pour prouver l'antériorité et la création d'une œuvre. Cette avancée est cruciale pour les industries créatives et culturelles, qui doivent pouvoir démontrer de manière fiable :
Dans cette affaire, la preuve de l'antériorité a été apportée par la solution BlockchainYourIP, adoptée par plusieurs acteurs du luxe, mais aussi des secteurs de l'automobile, de l'aérospatiale et de la défense.
Alors que la reconnaissance des créations assistées par IA progresse, les solutions blockchain apparaissent comme des instruments essentiels pour garantir une protection juridique efficace. Les décisions récentes, à l'instar de celle du Tribunal judiciaire de Marseille, renforcent cette tendance et plaident en faveur d'une adoption plus large de la blockchain par les juridictions et les offices de propriété intellectuelle.
L'intégration des technologies blockchain et IA générative dans le cadre juridique ouvre donc une voie prometteuse pour une protection renforcée des créations immatérielles, tout en facilitant la prévention et la sanction des atteintes aux droits des créateurs.