L’annonce par la chaîne France 4 du prochain tournage d’un pilote consacré au Binge Drinking chez les jeunes, en vue de sa diffusion en septembre, continue de faire polémique.
Après la mise en ligne d’une pétition sur Twitter le 26 mai dernier pour demander à France 4 d’annuler le projet, c’est désormais l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (ANPAA) qui monte au créneau.
Elle a en effet saisi le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) afin qu’ils prennent les « dispositions visant à ce que cette émission ne soit pas diffusée ni même enregistrée » ! Cela revient à solliciter a priori la censure pure et simple de cette émission.
Pour rappel, le Binge Drinking consiste à boire un maximum d’alcool en un minimum de temps. Cette pratique a été mise en lumière notamment sur Facebook, où des jeunes se sont lancé pour défi de se filmer en train de boire une très grande quantité d’alcool.
Le concept de l’émission envisagée par France 4 est le suivant : montrer, sous contrôle médical, des jeunes se saoulant devant les caméras. Après avoir bu en plateau, les participants seront répartis en plusieurs groupes, sous le contrôle de spécialistes, afin de tester leur niveau de créativité et de réactivité avec de l’alcool dans le sang. Cette partie de l’émission sera précédée d’un documentaire sur les rapports entre les jeunes et l’alcool, l’objectif étant de dénoncer les effets dévastateurs de l’alcool chez les jeunes.
Bien que ce projet d’émission ait reçu l’accord de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes), il n’est pas totalement certain qu’il passera le filtre du CSA.
Dans sa Délibération n°2008-51 du 17 juin 2008 relative à l’ exposition des produits du tabac, des boissons alcooliques et des drogues illicites à l’antenne des services de radiodiffusion et de télévision, le CSA précise les conditions d’exposition, au sein des programmes télévisés et radiodiffusés, des drogues illicites, des produits du tabac et des boissons alcooliques.
Cette délibération rappelle d’abord qu’en vertu de l’article L. 3323-2 du Code de la santé publique, toute propagande ou publicité, directe ou indirecte, en faveur de boissons alcooliques est interdite à l’antenne des services de télévision.
Il est cependant précisé que l’évocation de boissons alcooliques n’est pas interdite au sein des émissions télévisées, notamment des émissions d’information ou des documentaires, à condition que cette présentation « ne soit ni complaisante ni laudative et ne revête pas de caractère promotionnel« .
A priori, le but pédagogique, s’il ressort clairement dans le traitement du programme, devrait permettre d’échapper à la critique.
Néanmoins, dans cette même délibération du CSA, il est également précisé que s’agissant des émissions de téléréalité, compte tenu de leur impact important sur le jeune public, la consommation d’alcool par les participants ne doit être ni excessive, ni régulière.
L’émission en question pourrait relever de cette catégorie d’émissions, puisque les participants seront placés dans une situation artificielle dans le but d’observer leur comportement et de susciter des réactions positives ou négatives chez le téléspectateur.
C’est alors le concept même de cette émission qui pourrait être remis en cause, puisqu’il implique par essence une consommation excessive d’alcool. Mais c’est bien ce que cherche à dénoncer ce programme !
En outre, dans les émissions de téléréalité, les participants ne doivent pas être placés dans des situations dégradantes ou pouvant les amener à adopter une attitude humiliante, selon le CSA. Que pourrait penser alors le CSA de la situation dans laquelle un jeune acceptera de se montrer saoul devant des caméras ?
Il est problématique que la loi limitant la publicité pour les alcools puisse aboutir, insidieusement, à un contrôle préalable de l’information sur un fait de société aussi important que la consommation d’alcool par les jeunes. Le CSA doit selon nous constater que cette émission n’a a priori pour but ni la propagande ni la publicité pour l’alcool afin de permettre à France 4 d’informer librement.
Affaire à suivre.