L’Autorité de la concurrence a considéré dans sa décision n°20-D-01 du 16 janvier 2020 qu’une opération de concentration ne relevant pas du contrôle ex ante des opérations de concentrations ne pouvait constituer, en elle-même, un abus de position dominante.
Cette décision fait suite à la contestation par Towercast de l’opération de rachat de la société ITAS par TDF qui ne franchissait pas les seuils européen ni français de notification.
Towercast a saisi l’ADLC en novembre 2017 en arguant que cette opération de rachat était constitutive en elle-même d’un abus de position dominante au motif qu’elle avait pour conséquence d’aggraver la position dominante d’ITF sur le marché de gros aval des services de diffusion de la TNT. La plainte de Towercast se fondait sur l’arrêt Continental Can de 1973 dans lequel, la Cour de Justice a considéré qu’est « susceptible de constituer un abus le fait, par une entreprise en position dominante, de renforcer cette position au point que le degré de domination ainsi atteint entraverait substantiellement la concurrence, c’est-à-dire ne laisserait subsister que des entreprises dépendantes, dans leur comportement, de l’entreprise dominante » (CJCE, 21 février 1973, aff. 6-72, Continental Can).
L’ADLC a rejeté cette argumentation en relevant que l’arrêt Continental Can avait été rendu à une époque où le dispositif de contrôle des concentrations n’existait pas. Tel n’est plus le cas aujourd’hui. L’application de cette jurisprudence est par conséquent devenue obsolète.
Cette décision nous apparaît surprenante dans la mesure où, d’un point de vue juridique, la situation d’une opération qui ne relève pas de l’actuel contrôle des concentrations peut être assimilée à celle d’une opération réalisée à l’époque où il n’existait pas de contrôle des concentrations. Les risques d’atteinte à la concurrence peuvent être comparables.
Cette décision est rendue dans un contexte de débat animé autour de la question du contrôle ex post de certaines concentrations pouvant s’apparenter à des killer acquisitions ayant pour but de permettre à certains opérateurs de s’accaparer l’innovation.
À cet égard, l’application du principe posé par la jurisprudence Continental Can pourrait apparaître comme une solution.
Cette décision de l’Autorité pourrait encourager le législateur à s’approprier cette problématique.