La directive 2014/104/UE du 26 novembre 2014 transposée par l’ordonnance du 9 mars 2017, visant à faciliter l’action « follow-on » en réparation des victimes de pratiques anticoncurrentielles, a permis d’harmoniser le cadre juridique des actions permettant aux victimes des pratiques anticoncurrentielles de demander le paiement de dommages et intérêts à l’entité sanctionnée.
Cependant, plusieurs difficultés probatoires ont été rencontrées par les victimes au stade de l’identification et de la quantification du préjudice invoqué, notamment en raison du manque de données commerciales/financières disponibles pour prouver des faits souvent très anciens (les pratiques ont pu dans certains cas être commises 20 ans en arrière), de la complexité des mécanismes économiques qui sous-tendent le préjudice allégué par la victime et de l’incertitude qui peut entourer l’établissement des scenarii contrefactuels afin de mesurer les effets préjudiciables.
Afin de rationaliser le travail du juge dans le traitement des actions follow-on, le Professeur Rafael Amaro a proposé une nomenclature « des préjudices causés par les pratiques anticoncurrentielles » afin de « garantir aux justiciables sécurité juridique et égalité de traitement en uniformisant la pratique des juridictions, mais aussi des conseils ».
L’objectif est de prévenir les effets indésirables de l’hétérogénéité des notions juridiques et économiques utilisées en pratique par les victimes, leurs conseils et les tribunaux, en identifiant des postes de préjudices réparables à l’instar de la nomenclature « Dintilhac » en droit de la responsabilité civile. Pour illustrer cette difficulté, le préambule fait référence au préjudice qui résulte de l’effet du temps : « pour appréhender l’effet préjudiciable du temps de la façon la plus fine possible, il est préconisé d’abandonner la notion « d’actualisation » ou même celle d’intérêts compensatoires ou de préjudice de trésorerie, confuses et mal définies, pour raisonner à partir des notions du droit de la responsabilité civile (…) ». La nomenclature distingue cinq catégories de préjudices : (i) les préjudices de surcoût, (ii) les préjudices d’éviction, (iii) les préjudices d’investissement, (iv) la perte de valeur d’un bien incorporel et (v) le préjudice moral.
Il convient de noter que pour les quatre premiers préjudices patrimoniaux, des critères d’évaluation additionnels seraient pris en compte pour moduler l’évaluation du préjudice à la hausse ou à la baisse : il s’agit de l’effet « rémanent », de l’érosion monétaire et de la répercussion partielle ou totale des surcoûts.
Enfin, cette nomenclature n’a pas vocation à être contraignante mais pourrait constituer un outil permettant de guider utilement les parties intéressées et les tribunaux dans l’évaluation du préjudice. A ce titre, elle devrait faire l’objet d’enrichissements et de corrections futures au gré de la pratique décisionnelle.
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