C’est la question qui a été posée à la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 14 novembre 2018 dans le contexte de la mise à l’écart d’un président de société par actions simplifiée (SAS).
En l’espèce, le président d’une SAS, dont les statuts prévoyaient une révocation pour juste motif, estimait que sa révocation était intervenue en violation des statuts, dans la mesure où il contestait l’existence de juste motif en l’espèce, à savoir la perte de confiance de ses associés ; il assignait en conséquence la société en paiement de dommages et intérêts.
Rappelons que l’article L.223-25 du Code de commerce prévoit un mécanisme d’indemnisation du dirigeant si sa révocation a été décidée sans juste motif :
« Le gérant peut être révoqué par décision des associés dans les conditions de l’article L. 223-29, à moins que les statuts prévoient une majorité plus forte. Si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à des dommages et intérêts ».
Que faut-il entendre par « juste motif » ? La loi ne définit pas le juste motif, il appartient donc aux tribunaux de décider, à l’occasion de contentieux, ce qui constitue – ou non – un juste motif de révocation. Il ne fait pas de doute qu’un comportement fautif du dirigeant constituera un juste motif de révocation. Mais le juste motif peut également se fonder sur un comportement non-fautif du dirigeant. Ainsi, le dirigeant est valablement révoqué pour juste motif lorsque son attitude est de « nature à compromettre l’intérêt social ou le fonctionnement de la société »1, et ce, même si le dirigeant n’a pas commis de faute de gestion2.
Comme indiqué, en l’espèce, le dirigeant contestait l’existence de juste motif. La cour d’appel n’avait pas suivi le dirigeant et avait considéré que la perte de confiance des associés constituait un motif légitime de révocation.
Dans son arrêt rendu le 14 novembre 2018, la Cour de Cassation casse et annule la décision d’appel :
« qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette perte de confiance était de nature à compromettre l’intérêt social de la société, la cour d’appel n’a pas donné de bases légales à sa décision ».
Cette solution n’est pas surprenante, dans la mesure où la Cour de cassation opère depuis longtemps des liens entre l’intérêt social et le juste motif3. Rien de très nouveau donc, si ce n’est une affirmation très claire de la solution. Celle-ci nous paraît logique dans la mesure où il serait difficile d’admettre que la perte de confiance (notion très subjective) puisse constituer, sans analyse de ses conséquences, un juste motif de révocation.
1 Cass. Com., 4-5-1993 : RJDA 12/93 n°1048
2 Cass. Com., 4-2-2014 n°13-10.778
3 Cass.Com., 24 avril 1990, n°88-20183 ; Cass.Com., 4 mai 1993, n°91-14693 ; Cass.Com., 4 février 2014, n°13-10778 ; Cass.Com., 10 février 2015, n°13-27967.