Le cri de ralliement des habitués du Parc des Princes, inventé par l’association de supporteurs Supras, se trouve aujourd’hui au cœur d’une bataille judiciaire entre le club du Paris-Saint-Germain et ses supporters.
Le slogan, créé dans le virage Auteuil, avait été déposé à titre de marque en 2008 par l’association Supras, puis avait été cédée en 2010, en raison de la dissolution de l’association, à une autre association : Défense et Droit des supporters.
Le club avait alors tenté d’acquérir la marque pour une somme de 2.000 euros, mais les discussions n’avaient pas abouti.
En décembre dernier, le Paris-Saint-Germain a décidé d’assigner l’association Défense des Droit des Supporters devant le Tribunal de grande instance de Paris en déchéance de marque pour défaut d’exploitation.
En effet, conformément à l’article L714-5 du Code de la propriété intellectuelle :
« encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l’enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans ».
Pour engager une action en déchéance de marque pour défaut d’exploitation, il doit donc être démontré un défaut d’exploitation de la marque pendant cinq années à compter de l’enregistrement de la marque. L’usage sérieux de la marque s’entend d’un usage à titre de marque dans la vie des affaires, pour identifier des produits ou services.
Or, il semblerait que l’association de supporters n’ait pas réalisé d’usage sérieux de la marque dans la vie des affaires, au contraire du club qui depuis 2010 appose la mention « ICI C’EST PARIS » sur certains de ses produits dérivés, ce qui nourrit aujourd’hui reconventionnellement un grief en contrefaçon du côté de l’association Défense des Droits des Supporters.
Le porte-parole de l’association, Monsieur Christophe Uldry, a exprimé sa colère face à cette offensive judiciaire du Paris-Saint-Germain et dénonce les actions belliqueuses du club qui obtint il y a quelques années la dissolution du groupe de supporters Supras et qui aujourd’hui réaliserait « un pillage de la culture supporters ».
Il dresse également un parallèle avec le slogan « Je suis Charlie » pour lequel l’INPI, face à la cinquantaine de dépôts de marques françaises, avait rejeté de telles demandes d’enregistrement, invoquant que « le slogan ne peut être capté par un acteur économique du fait de sa large utilisation par la collectivité ».
L’INPI, pour fonder sa décision, avait alors retenu les notions de bonnes mœurs et de respect de l’ordre public.
S’agissant de la marque « ICI C’EST PARIS », se pose la question de la capacité du signe à exercer la fonction essentielle de la marque de garantie d’origine.
Dans une décision du 6 janvier 2015, la Cour de cassation a confirmé la nullité des marques « I LOVE PARIS » et « J’AIME PARIS », en retenant qu’elles étaient « perçues par le consommateur comme un signe destiné à extérioriser l’enthousiasme d’une personne pour un lieu particulier et non comme une garantie d’origine commerciale du produit ».
En effet, la Cour a considéré que le contenu sémantique des deux signes « en ce qu’il véhicule un message d’attachement à une ville particulière, conduira le consommateur à les percevoir comme des signes décoratifs (…) et non pas comme des marques lui garantissant que les produits sur lesquels ils sont apposés sont fabriqués et commercialisés par la société France Trading, quand bien même seraient-ils apposés sur des étiquettes » (Com. 6 janvier 2015 n°13-17108).
Ainsi, au-delà de la question de la légitimité du club Paris-Saint-Germain à obtenir la déchéance d’une marque qui avait été déposée par les supporters afin « de faire en sorte [qu’elle] ne puisse être accaparée par quiconque », en tant que « marqueur très puissant de la culture parisienne et de la communauté PSG dans son ensemble », se pose également la question de la validité d’une telle marque, qui nous apparait très contestable.
Il est également utile de rappeler que la loi n°2014-334 du 17 mars 2014 relative à la consommation, dite loi Hamon, a créé un mécanisme de veille et d’information au bénéfice des collectivités, leur permettant d’être alertées en cas de dépôt d’une demande d’enregistrement d’une marque contenant leur dénomination (article L.712-2-1 du Code de la propriété intellectuelle), et a également introduit la possibilité pour les collectivités de formuler des observations ou de former opposition à l’enregistrement d’une marque qui porterait atteinte au nom, à l’image ou à la renommée de la collectivité au sens de l’article L.711-4 h) du Code de la propriété intellectuelle.
À l’aune de cette loi, un dépôt aujourd’hui d’une marque « ICI C’EST PARIS » pourrait faire l’objet d’une opposition de la ville de Paris, si tant est qu’elle puisse justifier d’une atteinte aux intérêts publics.
Pour l’heure, s’agissant du contentieux entre le Paris-Saint-Germain et les supporters, zéro partout, et balle au centre…